La dépression est une sale maladie incomprise et honteuse pour ceux qui la subissent. J’en ai fait les frais pendant deux ans, ça a failli me coûter pas mal de choses ; la santé certes, l’envie de respirer aussi, mais également ma vie sociale et amoureuse. Sachez qu’il est difficile pour moi d’écrire cet article mais que j’y tiens depuis quelques années maintenant car il est essentiel que vous ne vous sentiez pas seul(e) si vous êtes dans ce cas. La dépression, ça vous ravage mais on peut en sortir !
J’ai toujours été le petit clown avec les copains, toujours le petit rayon de soleil de la famille, celle qui réussissait brillamment scolairement, celle qui n’avait pas de problèmes. Enfin, ça, c’est ce que je voulais montrer pour ne pas inquiéter. Et puis, à force de toujours afficher un sourire alors que dans le fond, rien ne va, on pète un plomb. C’est plus ou moins ce qui m’est arrivé. Je dis « plus ou moins » car cette maladie pourrie a débarqué un beau matin sans raison valable, comme ça, d’un coup. Sans cause ni motif.
Comment ça a commencé
Chaque dépression est différente, la mienne se manifestait très clairement car elle avait des conséquences physiques et visibles. J’ai fait ma première crise d’angoisse dans l’avion pour aller à Barcelone avec mon chéri et des amis, il y a maintenant plusieurs années. Je ne savais pas ce que c’était : je ne pouvais plus respirer, j’avais des diarrhées subites et des vomissements, des suées… J’ai passé presque une semaine entière à avoir des crises mais je ne savais pas de quoi il s’agissait. La seule chose dont j’étais certaine est que je saoulais tout le monde. Alors que j’écris, les mauvais souvenirs reviennent et ils font toujours mal.
Les crises se sont un peu estompées puis je suis rentrée en école de commerce, en Bachelor. Dès le premier jour, une énorme crise est survenue dans le métro puis en classe. A partir de ce jour, j’ai associé l’école à l’angoisse. Chaque jour, j’allais entre 5 et 8 fois aux toilettes le matin, j’avais constamment mal au ventre, je tremblais de partout et faisais régulièrement des malaises. Je suis ensuite entrée en alternance : je faisais mes études + je travaillais 3 jours par semaine dans une entreprise. Même combat : crises d’angoisse quotidiennes. Diarrhées, vomissements, malaises, suées… Mon quotidien. L’horreur a duré deux ans.
Je me forçais toujours à afficher le plus grand sourire, personne n’aurait pu se douter que j’allais mal. Pourtant, je pleurais chaque matin, je voulais mourir à chaque instant, je pleurais dans les toilettes la journée, je n’attendais qu’une chose : rentrer chez moi pour me mettre dans le noir et dormir. Si j’avais pu dormir toute la vie je l’aurais fait. Mais je devais empocher mon Master 2 et finir mon alternance.
J’ai mis du temps à comprendre qu’il s’agissait de dépression. Les maux de ventre intenses et quotidiens m’ont fait croire à une maladie chronique. A 22 ans, j’ai dû faire une coloscopie… Tout était en ordre… Tout était dans ma tête. Et putain, le psychologique peut tellement jouer sur le physique !
Je me rappellerai toujours d’un malaise que j’ai fait sur la ligne 13 du métro parisien un matin, aux heures de pointe. Les pompiers avaient débarqué, m’avaient mise sur un brancard et m’avaient amenée à l’hôpital. Ce matin-là, je me suis sentie plus démunie et seule que jamais.
La dépression dans mon couple
Mon mec était lui aussi démuni, se sentant impuissant. Pendant longtemps, je lui en ai voulu. Je désirais qu’il fasse « plus », qu’il me console, soit là pour moi.. Et puis j’ai compris que j’étais la seule capable de me sortir de là. Pendant longtemps, je l’ai trouvé méchant, incompréhensif et distant. Plus j’allais mal, plus il s’éloignait.
Ce fameux matin où je suis tombée dans les pommes dans le métro et que je suis allée à l’hôpital, je l’ai appelé pour qu’il vienne… Il était à deux stations de métro. Il m’a dit « T’es à l’hôpital ? Bon ok, appelle-moi quand ça va mieux« . Je lui en ai beaucoup voulu puis j’ai compris qu’il se protégeait et qu’il avait bien raison ! Nous aurions été bien tous les deux dépressifs… Il fallait qu’il y en ait un de nous deux qui garde la tête hors de l’eau. J’avais besoin de sa force et de son énergie positive. S’il avait toujours été dans mon sens, à compatir et à me plaindre, je ne crois pas que j’en serais là aujourd’hui.
J’ai douté de mon amour pour lui car, quand on est malade, on doute toujours de tout : je savais que je l’aimais mais j’avais l’impression qu’il « m’aimait mal ». En gros, je voulais le changer, je le voulais différent. Alors que c’est moi qui aurait dû l’être ! Vivre avec une personne dépressive est un combat plus que complexe car il faut tenir pour ne pas sombrer avec l’autre. Il ne faut pas relativiser la souffrance sans pour autant plaindre l’autre… Complexe je disais.
Ainsi, pendant deux ans, T. a dû subir mes crises d’angoisse, mes malaises, mes nuits à l’hôpital, mes examens médicaux, mes pleures, mon agressivité, mes doutes. Et il est resté.
Si vous êtes dans ce cas, n’en voulez jamais à votre conjoint de ne pas comprendre votre maladie. Personne ne peut comprendre la dépression avant de l’avoir vécue alors tant mieux s’il ne comprend pas ! Le tout est qu’il soit présent, sans faire votre infirmier.
Je sais très bien que lorsque l’on est en dépression on a une attente immense envers l’autre : on le voudrait plus tendre, plus câlin, plus communicatif… Mais le sommes-nous nous-même ? Non.
Les remèdes
Il n’y a pas de méthode miracle, mais je peux vous dire que quand on arrête enfin d’être dans le déni et de remettre la cause de notre dépression sur des situations passées ou des comportements de nos proches, on avance vers la sortie. Comprendre que ce n’était la faute de personne, m’avouer à moi-même que j’étais malade, a été la première clé. Je me suis aussi forcée à continuer à voir du monde, même si j’ai aussi annulé plein d’anniversaires, de fêtes et même des mariages car, rien que d’y penser, je tombais dans les pommes.
Je me suis prise en main et je suis allée voir un psychiatre… On m’a fait tester plusieurs anti-dépresseurs (Prozac, Seroplex, Fluvoxamine…). Rien n’y faisait. J’avais bien sûr en complément les merdes d’anxiolytiques comme le Xanax et le Lexomil, qui étaient imprenables pour moi (ils me faisaient dormir toute la journée). Pour moi les anxiolytiques sont des moyens de mourir quelques heures. Pas de guérir. Puis j’ai rencontré une psychiatre en or massif avec qui j’ai fait une longue thérapie : je parlais beaucoup. Je lui ai expliqué la peur que j’avais de prendre des médicaments (suite à des antécédents familiaux de dépression). Elle l’a compris et ne m’a pas évoqué le mot « médicament » pendant de longs mois. Jusqu’au jour où mes idées noires sont revenues de manière un peu trop brutale. Elle m’a conseillé le Séropram comme antidépresseur et du Lysanxia comme anxiolytique. (Avant tout ça, j’avais essayé toutes les méthodes douces possibles et inimaginables). Le traitement a marché. Je prenais le Lysanxia seulement en cas de très très grosse crise et le Séropram chaque jour, pendant neuf mois environ.
Je ne saurai jamais dire qui de l’oeuf ou la poule m’a permis de sortir de là. Les médicaments ne m’ont pas guérie, ils m’ont permis de survivre. Et à force de survivre, je me remettais petit à petit à vivre. A avoir des envies : je voulais à nouveau aller au restau, au ciné, en vacances, sans avoir peur. Je riais de nouveau, de bon coeur, sans faire semblant.
La joie de vivre a regagné mon coeur avec le temps. Mieux j’allais, plus T. était là pour moi, à nouveau attentionné et tendre. Aller mieux, c’était ça le remède. Tellement simple à dire et à lire…
Il m’arrive encore de faire des crises d’angoisse, mais ça n’a rien à voir avec avant. Aujourd’hui, je sais les gérer et elles ne me font plus peur. T. et moi en sommes ressortis plus forts et cette épreuve n’a fait que nous lier davantage.
Je finirai par vous dire de ne jamais lire les avis sur internet (même si vous êtes entrain de lire mon histoire), ne vous fiez pas aux histoires des autres, chaque histoire est différente, chaque dépression l’est également. Les seuls conseils que j’ai à vous donner est de ne pas blâmer vos proches qui souffrent aussi, de ne pas vivre dans le passé et de ne pas rejeter votre maladie sur les autres. Je vous conseille de l’accepter et de vivre avec, de vous forcer à faire des activités, à sortir de chez vous. Je sais que l’agoraphobie n’est jamais très loin dans ce genre de situation et j’en ai énormément souffert. Mais en se forçant, on arrive à faire des choses que l’on se pensait incapable de faire. Ecrivez, criez, parlez, allez voir quelqu’un, faites-vous aider par une personne neutre et n’attendez pas que votre conjoint fasse votre infirmier.
La sortie n’est pas loin, je vous le promets. Croyez-y !
Comment ne pas se retrouver là dedans ?
J’ai connu cela à la naissance de ma première fille, la peur d’être père sans doute. C’est foudroyant, idem traitements de fond, agoraphobie et crises d’angoisses, ne plus rien faire, dormir… Puis ça passe… Et ça revient sous une autre forme quelques années plus tard. Un divorce e quelques relations chaotiques, la perte de ses enfants à plein temps… C’est horrible de ne vivre que quelques heures, jours par mois. Et puis un jour la rencontre inespérée. L’élue de ses rêves. Cela fait 19 mois… Mais voilà elle est mariée. Son mari a récemment découvert notre histoire féérique sans en connaître un millième (ça ronge car elle ne veut et peux choisir, d’ailleurs je ne lui demande pas, c’est plus ou moins entendu, mais on ne peut se passer l’un de l’autre avec ce qu’on a vécu, ce que l’on vit, même si depuis la découverte, c’est de plus en plus rare) Malgré la merveilleuse histoire naît un malaise en moi, je perds goût… L’absence des vacances, la perte de nos conversations, nos rencontres, nos folies. J’ai conscience mais refuse d’admettre que j’ai tout misé sur cette femme, seule notre passion commune (la création de bijoux) me permet de combler ces heures sans elle le jour (je travaille la nuit), j’ai peu à peu perdu le peu d’amis, des déboires financiers qui commencent seulement à se résorber… J’ai plusieurs cordes à mon arc je le sais mais n’ai plus le goût, la force… Je ne peux me réaliser seul… Dessiner, peindre faire des images de synthèses (mes études et anciens emplois), j’écris (un livre paru modestement, une sorte de témoignage d’un père retrouvé puis perdu pour de bon) des conflits internes créent ce mal être. J’ai peur de la perdre, je vais la perdre. Voilà , ma seconde dépression prend forme, elle est différente de la première, différente de celle que vous avez vécu… Trop sensible je prends plaisir à m’étaler ici mais souffre en pensant à ce que j’écris. Chaque acte du quotidien devient une source de question, de complications, tant de choses à faire qu’au final rien n’est fait… Il n’y a qu’au travail (manuel de nuit) où je trouve une sorte de repos (pas physique lol)
Sans elle depuis 10 jours (ses vacances en famille avec décalage horaires et problème de connexions) Je sais les risques qu’elle prend à autant communiquer avec moi , même après la découverte de son mari… 3 personnes souffrent. Une seule est isolée. C’est incroyable la synergie, la complicité, la folie qui existent entre nous…. Ma vie d’avant n’a pas cette saveur. Je n’ai jamais été autant aimé qu’avec elle…
Patrice, merci pour votre commentaire. Vous faites partie des gens (comme moi), qui ont du mal à se réaliser seuls, à vivre en harmonie avec eux-mêmes et qui ont, par conséquent, besoin de trouver LA personne à travers qui et pour qui ils vont se réaliser. Ce n’est ni bien ni mal, c’est juste que l’on souffre plus. Vous êtes un artiste, manuel et écrivain, et sans cette âme mélodieuse et écorchée vous ne parviendriez sans doute pas à faire tout ça. Les émotions négatives nous permettent de dire les choses, de mieux les retranscrire, quel qu’en soit le moyen et la forme. Et même si vous sentez la dépression revenir, d’après ce que je lis, vous êtes une personne battante et vous trouverez toujours la force de vous relever, j’en suis certaine.
Léa