Quand on parle « d’amour », on parle bien souvent finalement de la passion. Est-ce la même chose ? Les deux se complètent-ils ou sont-ils totalement dissociés ? Qu’est-ce que la passion amoureuse précisément ? Penchons-nous sur la définition de la passion en amour.
Définition de la passion en amour
1/ Le mythe de l’androgyne
Je vous invite grandement à lire Le banquet de Platon pour en savoir plus sur l’amour et le désir ! C’est dans ce petit livre bien fourni que j’ai découvert cette figure de la passion, de la fusion, qu’est l’androgyne !
Résumé/ Extrait du mythe de l’Androgyne de Platon ou l’origine de la passion en amour
Platon explique que « Jadis notre nature n’était pas ce qu’elle est actuellement. D’abord il y avait trois espèces d’hommes et non deux, comme aujourd’hui : le mâle, la femelle et, outre ces eux-là, une troisième composée des deux autres ; l’androgyne« . Les androgynes étaient donc à la fois mâles et femelles, accolés l’un à l’autre et donc, indissociables. Forts de cette double nature, ils tentèrent d’escalader le ciel pour combattre les dieux. « Zeus délibéra avec les autres dieux pour le parti à prendre. Le cas était embarrassant : ils ne pouvaient pas se décider à tuer les hommes et à détruire la race humaine à coups de tonnerre comme ils avaient tué les géants. (…) D’un autre côté, ils ne pouvaient pas non plus tolérer leur insolence. » Zeus décida donc de couper les êtres en deux, l’homme et la femme.
« Or quand le corps eut été ainsi divisé, chacun, regrettant sa moitié, allait à elle : et, s’embrassant et s’enlaçant les uns les autres avec le désir de se fondre ensemble, les hommes mouraient de faim et d’inaction, parce qu’ils ne voulaient rien faire les uns sans les autres ; et quand une moitié était morte et que l’autre survivait, celle-ci en cherchait une autre et s’enlaçait à elle, soit que ce fût une moitié de femme entière – ce qu’on appelle une femme aujourd’hui -, soit que ce fût une moitié d’homme, et la race s’éteignait.
Alors Zeus, touché de pitié, imagine un autre expédient : il transpose les organes de la génération sur le devant; jusqu’alors ils les portaient derrière, et ils engendraient et enfantaient non point les uns dans les autres, mais sur la terre, comme les cigales. Il plaça donc les organes sur le devant et par là fit que les hommes engendrèrent les uns dans les autres, c’est-à-dire le mâle dans la femelle. Cette disposition était à deux fins : si l’étreinte avait lieu entre un homme et une femme, ils enfanteraient pour perpétuer la race, et, si elle avait lieu entre un mâle et un mâle, la satiété les séparerait pour un temps, ils se mettraient au travail et pourvoiraient à tous les besoins de l’existence. C’est de ce moment que date l’amour inné des hommes les uns pour les autres : l’amour recompose l’antique nature, s’efforce de fondre deux êtres en un seul, et de guérir la nature humaine. »
Pour faire court, le mythe de l’androgyne se sont ces êtres à la fois mâle et femelle qui ont voulu défier les dieux et qui se sont retrouvés punis en étant séparés en deux êtres distincts ; l’homme et la femme. Depuis, chaque être humain cherche désespérément sa moitié, son âme soeur, sa moitié d’androgyne.
2/ Définition de la passion en amour : L’amour pour Stendhal
Au début du XIXème siècle, Stendhal va connaître un véritable chagrin d’amour. De ce chagrin, naquit son oeuvre De l’amour, dans laquelle il nous livre une théorie quasi universelle pourtant basée sur sa propre expérience. Il nous parle des différences entre les hommes et les femmes, il cherche à comprendre comment fonctionne le sentiment amoureux.
Stendhal décompose la naissance de l’amour en sept phases :
1/ L’admiration :
C’est là l’origine même de l’amour.
2/ Le désir :
« On se dit : quel plaisir de lui donner des baisers, d’en recevoir, etc. »
3/ L’espérance :
C’est-à-dire l’attente que ce désir devienne réalité, avec des signes visibles comme la peau qui rougit, les mains qui tremblent. « La passion est si forte, le plaisir si vif qu’il se trahit par des signes frappants. »
4/ L’amour est né :
« Aimer, c’est avoir du plaisir à voir, à toucher, sentir par tous les sens, et d’aussi près que possible un objet aimable et qui nous aime. »
5/ La première cristallisation :
« C’est l’opération de l’esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections. »
6/ Le doute survient :
Des questions commencent à apparaître tout comme l’incertitude d’être aimé. « l’amant, revenu de son premier étonnement et s’étant accoutumé à son bonheur, demande des assurances plus positives, et veut pousser son bonheur. […] L’amant arrive à douter du bonheur qu’il se promettait ; il devient sévère sur les raisons d’espérer qu’il a cru voir. La crainte d’un affreux malheur le saisit, et avec elle l’attention profonde. » (= phase d’opposition).
7/ La seconde cristallisation :
L’idée que la personne est amoureuse est confirmée : Elle m’aime. « Elle me donnerait des plaisirs qu’elle seule au monde peut me donner. » La différence entre la première et la seconde cristallisation c’est cette évidence d’être aimé.
J’avais pour ma part écrit un article sur les trois étapes du couple, qui se fondent bien avec les sept que propose Stendhal dans son oeuvre.
3/ Zoom sur la cristallisation pour mieux comprendre la définition de la passion en amour
Avant que Stendhal lui donne un autre sens, le terme « cristallisation » existait dans le domaine de la chimie ou pour l’étude des minéraux. Il s’agissait (et s’agit encore d’ailleurs) de transformer une matière en cristaux.
« La première cristallisation commence. On se plaît à orner de mille perfections une femme de l’amour de laquelle on est sûr ; on se détaille tout son bonheur avec une complaisance infinie. Cela se réduit à s’exagérer une propriété superbe, qui vient de nous tomber du ciel, que l’on ne connaît pas, et de la possession de laquelle on est assuré. Laissez travailler la tête d’un amant pendant vingt-quatre heures, et voici ce que vous trouverez. Aux mines de sel de Salzbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d’arbre effeuillé par l’hiver ; deux ou trois mois après, on le retire couvert de cristallisations brillantes : les plus petites branches, celles qui ne sont pas plus grosses que la patte d’une mésange, sont garnies d’une infinité de diamants mobiles et éblouissants ; on ne peut plus reconnaître le rameau primitif. Ce que j’appelle cristallisation, c’est l’opération de l’esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections. »
La cristallisation permettrait au couple de durer
Pour Stendhal, la cristallisation amoureuse permet à la relation de durer car chaque peur, chaque doute mais aussi chaque bonheur relance cet amour. La cristallisation est complètement liée à l’imagination, elle permet de sublimer l’autre. Cristalliser, ce serait un peu changer inconsciemment l’autre selon notre imagination : M’aime-t-il ? Assurément, il m’aime, comment en douter ? Pourquoi a-t-il agi ainsi ? Ne m’aimerait-il pas ? Selon Stendhal, les femmes cristalliseraient plus que les hommes.
La définition de la passion amoureuse ?
On est en plein dedans depuis le début de cet article ! Toujours pour Stendhal, la passion crée une mystification de l’être aimé par l’amoureux : l’être aimé réel n’existe plus en tant que tel dans les yeux de l’amoureux mais en tant qu’être parfait. L’amoureux voit donc l’être aimé sous le prisme de la perfection et en crée une image idéalisée. La passion serait donc une illusion, mais une illusion réelle pour celui qui l’a inconsciemment créée.
Toujours dans son oeuvre, De l’amour, Stendhal distingue quatre types d’amour :
L’amour-passion : » Les passions sont le seul mobile des hommes ; elles font tout le bien et tout le mal que nous voyons sur terre« .
L’amour-goût : « L’amour-goût s’enflamme et l’amour-passion se refroidit par les confidences. »
L’amour-physique : « Tout le monde connaît cet amour sur ce genre de plaisirs, quelque sec et malheureux que soit le caractère, on commence par là à seize ans. »
L’amour-vanité : « L’immense majorité des hommes, surtout en France, désire et a une femme à la mode, comme on a un joli cheval, comme chose nécessaire au luxe d’un jeune homme. »
La passion désigne un désir dominant, exclusif suffisamment puissant pour envahir toute la vie de l’esprit et polariser une existence sur un seul objet. En dehors de l’intérêt à l’objet passionnel plus rien n’importe, tout l’univers du passionné converge vers un unique pôle qui le fascine.
Son caractère inaccessible lui confère une puissance incroyable. Quand on regarde, les plus grandes passions amoureuses, qui ne se sont jamais estompées, restent des amours impossibles : Roméo et Juliette, Jack et Rose, Yseult et Tristan, Hippolyte et Phèdre…