J’ai tout simplement ADORÉ ce roman de Virginie Despentes et ai hâte de lire les deux autres ! Je m’en vais vous faire ma petite (longue) critique. N’hésitez pas à faire la vôtre si vous l’avez lu 😉
Résumé
QUI EST VERNON SUBUTEX ?
Une légende urbaine.
Un ange déchu.
Un disparu qui ne cesse de ressurgir.
Le détenteur d’un secret.
Le dernier témoin d’un monde disparu.
L’ultime visage de notre comédie inhumaine.
Notre fantôme à tous.
Avis/Critique
Vernon Subutex peut être – et a été – comparé à la Comédie Humaine de Balzac. En effet, l’auteure dresse une véritable cartographie de la société française contemporaine à travers l’histoire tragique de Vernon Subutex ancien disquaire qui se retrouve à la rue à cause de la dématérialisation de la musique et qui va devoir demander de l’aide à plusieurs ancien(ne)s ami(e)s.
On passe ainsi du mec fortuné au plus démuni, de l’extrême gauche à l’extrême droite, de l’athée au pro religion, de la bourgeoisie à la déchéance, de l’hétéro à la lesbienne, aux trans’, du SDF qui se bat tous les jours au drogué qui se suicide…
Ce qui est extraordinaire c’est que Virginie Despentes fait preuve d’une grande empathie envers chaque personnage, elle ne prend aucun parti. Le lecteur plonge donc en immersion totale dans la tête de chacun de ces personnages et comprend mieux leur mode de pensée, leur mode de fonctionnement.
Rempli d’humour, de tendresse, de cynisme aussi, ce roman est un véritable bijou d’une justesse effrayante.
J’ai remarqué à plusieurs reprises, d’un point de vue stylistique, que Virginie Despentes omet volontairement les virgules lors des énumérations, comme si toutes les idées en questions formant le paragraphe ne formaient qu’un.
On pourrait aussi comparer cette auteure à Michel Houellebecq sauf que, selon moi, Houellebecq fait plus un portrait noir et cynique de la société française et notamment du français moyen, le tout avec un point de vue très masculin. Tandis que Virginie Despentes dépeint avec une certaine compassion et une empathie une classe plutôt excentrique (Trader, prostituée, SDF, scénariste, producteur, chanteur, bassiste, journaliste…) avec un point de vue très fin pour chaque personnage, qu’ils soient masculins, féminins ou transsexuels.
Liste des personnages (pour vous repérer car il y en a beaucoup) !
Vernon Subutex : Héros du roman. Ancien disquaire qui se retrouve sans rien ( à cause de la dématérialisation, de l’évolution de la société…) et qui va crécher chez différentes personnes tout au long du roman.
Alexandre Bleach : Célèbre chanteur de rock retrouvé mort dans une baignoire suite à une overdose. Avant de se suicider, il avait laissé à Vernon Subutex (ami de jeunesse, à qui il a payé de nombreux loyers) une série d’enregistrements audio de lui, défoncé.
Laurent Dopalet : Producteur, mauvais, danger public.
Xavier Fardin : Scénariste raté, en couple avec Marie-Ange (femme très aisée avec qui il a eu un fils) mais amoureux d’Elsa. Il accueille son ancien pote, Vernon Subutex, le temps d’un weekend.
Sophie : Mère de Xavier Fardin. Son deuxième fils, Nicolas (le frère de Xavier) s’est suicidé il y a des années mais elle ne s’en est jamais remise. Elle tente d’aider Vernon.
Lydia Bazooka : Journaliste qui veut écrire un livre sur Alex Bleach. Elle est à fond sur Vernon (elle trompe régulièrement son mec, Olivier).
Pamela Kant : Star du X, elle connaît Vodka Satana (anciennement Faïza) qui est une autre star du X et qui sortait avec Alex Bleach.
Daniel : Meilleur ami de Pamela. Daniel est un transsexuel, avant, il était une femme et s’appelait Déborah.
Sylvie : Célib, au chômage, a un fils, c’est une ex d’Alex Bleach (groupie) qui tombe amoureuse de Vernon Subutex et lui fait vivre un calvaire après qu’il est parti de chez elle en ayant volé des affaires…
Gaëlle : Bisexuelle, elle vit dans le 300m2 de Kiko, trader fou et coké (dont la nana est étudiante).
Marcia : Transsexuelle (avant, c’était Léo), et prostituée. Vernon tombe fou amoureux d’elle. Ils se rencontrent lors d’une soirée dans l’appartement de Kiko, le trader (Vernon fait le Dj). Ils couchent ensemble pendant quatre jours puis Marcia se casse car Kiko est jaloux. Il met alors Vernon à la porte.
La Hyène : Troll d’internet, lesbienne. Ancienne voisine de Sélim, ex de Vodka Satana (avant qu’elle ne devienne une star du X, quand elle était encore Faïza).
Aïcha : Fille de Sélim et de Vodka Satana (qu’elle ne connaît pas). Elle a été élevée par son père et est pro religion.
Patrice : Mec violent qui battait sa femme. Bassiste du groupe d’Alex Bleach. Il va héberger Vernon quelques jours.
Laurent : SDF depuis 19 ans qui donne des « cours de manche » à Vernon quand il se retrouve à la rue.
Olga : SDF, grande gueule, rouquine qui devient la pote de Vernon.
Noël, Julien, Loïc et JP : Pro FN, Olga leur donne une raclée. Xavier Fardin va s’en prendre une belle par eux.
Quelques extraits
« Maintenant il est marié, et père, il se tient. Mais avec Elsa, ça a été plus difficile qu’avec une autre. Ce n’est pas seulement qu’elle l’excite, c’est qu’elle le bouleverse. Il a envie de la protéger de dormir lové contre elle lui demander ce qu’elle a fait de sa journée il a envie d’embrasser tout son dos jusqu’aux reins lui faire lire Sympathy for the Devil et écouter du blues il a envie de prendre le train avec elle s’écrouler dans une chambre avec vue sur la mer il a envie de sentir son odeur le matin il a envie de l’accompagner aux castings et lui remonter le moral si elle n’est pas prise il a envie de fêter les bonnes nouvelles en la serrant contre lui. Il a envie de tout, avec Elsa. »
« Passé quarante ans, tout le monde ressemble à une ville bombardée. Il tombe amoureux quand elle éclate de rire – au désir s’ajoute une promesse de bonheur, une utopie de tranquillités emboîtées -, il suffira qu’elle tourne la tête vers lui et se laisse embrasser, et il accédera à un monde différent. Vernon sait faire la différence: excité, c’est le bas-ventre qui palpite, amoureux, ce sont les genoux qui faiblissent. Une partie d’âme s’est dérobée – et le flottement est délicieux, en même temps qu’inquiétant: si l’autre refuse de rattraper le corps qui sombre dans sa direction, la chute sera d’autant plus douloureuse qu’il n’est plus un jeune homme. On souffre de plus en plus, à croire que la peau émotionnelle devient plus fragile, ne supporte plus le moindre choc. »
« Rien n’est plus intolérable pour une fille, que de voir qu’on a trompé son père – sauf, peut-être, de découvrir qu’il y a cru. »
« Elle voudrait retrouver l’imbécile qui a décidé que tous les titres d’articles de la page d’accueil Yahoo! seraient des devinettes : « incroyable découverte à l’aéroport de Chicago » – un psychopathe qui a trouvé la formule la plus agaçante qu’on puisse imaginer pour arracher les clics d’internautes en ne leur disant jamais ce qui est contenu dans l’article. »
« Quand on est jeune on croit qu’on cicatrise : elle avait appris qu’on doit s’amputer pour survivre. »
« Tant qu’on n’exerce pas le pouvoir, on n’a pas idée de ce que c’est… avoir du pouvoir, c’est garder le sourire quand on se fait casser les côtes par plus puissant que soi. Les humiliations sont violentes, tout en haut, et personne n’est à pour vous écouter si vous avez envie de geindre. C’est la cour des grands, pas le bac à sable pour les petits agneaux. Seuls, les tout petits chefs jouissent de leur pouvoir – au-dessus, on ne connaît que la peur de se faire poignardes dans le dos, la rage des trahisons et le poison des fausses promesses »
« La vie se joue souvent en deux manches: dans un premier temps, elle t’endort en te faisait croire que tu gères, et sur la deuxième partie, quand elle te voit détendu et désarmé, elle repasse les plats et te défonce. »