Qu’est-ce qu’un vrai ami ? C’est une bonne question et la réponse n’est pas si évidente. Elle vient finalement du coeur et de la solidité de l’amitié.
Qu’est-ce qu’un vrai ami : De la fragilité à la beauté de l’amitié
Par Audrey
Il y a un proverbe qui dit que le plus triste dans une trahison, c’est qu’elle ne vient jamais de nos ennemis. C’est si vrai.
Ce sont les gens à qui on a accordé une place à part dans notre vie, notre confiance, auxquels on s’attache qui ont ensuite le pouvoir de nous faire du mal, de nous peiner, nous blesser. Par des paroles, des gestes, des actes, ils ont cette facilité à nous ébranler, nous faire douter de nous-mêmes, nous faire perdre confiance en nous et en les autres.
Je pensais que l’âge aidant, le respect accompagnant la maturité, on ne pouvait pas tomber dans de tels travers. J’avais tort. L’amitié, comme l’amour, est un lien puissant qui ne tient parfois qu’à un fil et qui peut apporter autant de joies que de peines.
Je suis partisane de la franchise et de la réciprocité, allergique aux non-dits et à l’hypocrisie et ne supporte pas qu’un conflit ne trouve pas d’issue. Peut-être ai-je tort. A être trop directe, on manque parfois de diplomatie et de tact. A ne pas supporter la superficialité, les mensonges, on prend les choses trop à cœur. Y-a-t-il un risque de devenir carrément paranoïaque ?
Récemment, pour décrire une réaction dans une situation de déception amicale, on m’a répondu « Arrête de te sentir persécutée ». Je me suis sentie piquée au vif, non pas dans mon ego mais parce qu’à ce moment-là, je me suis dit qu’on était dans le jugement, pas dans l’amitié et qu’ouvrir son cœur était en fait encore une erreur. En une phrase, on a balayé d’un revers de main ma peine, mon incompréhension, mes larmes, ma déception, comme si elles n’avaient aucune importance.
Suis-je à ce point trop exigeante ?
Pourtant j’ai passé l’âge de « faire du cinéma » comme on dit aux enfants, de jouer la comédie, et cela fait longtemps que ne n’ai plus l’option « larmes de crocodile ».
Alors douter de la peine d’une amie, n’est-ce pas une façon de refuser sa part de responsabilité ? Une manière de lui faire comprendre qu’on ne souhaite pas alléger son chagrin, la soutenir, essayer de comprendre l’origine de sa tristesse ?
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Pourquoi tant de personnes pensent que se remettre en question, même juste un peu, parfois simplement dire pardon, s’excuser en somme, c’est forcément perdre la face, se rabaisser ? Surtout entre amis. Quelle tristesse !
Où sont passées les belles notions de compassion, de bienveillance et d’empathie qui définissent l’amitié ?
Parties en fumée lorsqu’un désaccord arrive, qu’une dispute éclate parfois. On se raccroche à ses pseudo certitudes, on joue au concours de « ce n’est pas moi qui l’ai dit, je vais plus mal que toi » pour ne pas assumer ses mots, ses actes. Mais il ne s’agit pas d’une compétition pour savoir qui a utilisé le bon ou le mauvais mot, qui a le plus de raisons de pleurer. Il s’agit juste de reconnaître ses torts quand on en a pour désamorcer une situation délicate et ne pas perdre un(e) ami(e), par faute d’un orgueil mal placé. N’est-ce pas le propre de l’amitié ? Ne pas rester en conflit, accepter les défauts de ses amis, ne pas juger ? Et se réconcilier pour ne pas se perdre pour rien ?
L’amitié est-elle devenue aujourd’hui, comme l’amour, une denrée rare et une notion abstraite ?
Fait-elle peur, quand il s’agit d’une amitié qui engage sa personne dan un vrai lien sincère ? Bien sûr que le but premier est de partager les bons moments, les fous rires, la détente, les potins, la légèreté. Mais l’amitié, la vraie, c’est aussi savoir tendre la main, offrir son épaule, sécher les larmes, écouter, encourager, soutenir, comprendre, accompagner… C’est trop facile de n’être présent que pour partager les bons moments et de se transformer en fantôme quand l’autre a besoin de nous, quand une épreuve ou un désaccord arrive. Les vrais amis ne fuient pas, ils restent, ils assument et disent ce qu’ils pensent et ce qu’ils ressentent. On peut se disputer, ne pas être d’accord, avoir des mots qui dépassent notre pensée parfois c’est vrai, mais les vrais amis savent revenir en douceur, regretter, s’excuser et pardonner aussi. Ou alors ce n’est pas de l’amitié ? Si le seul intérêt de certains est de profiter sans profondeur et sans réciprocité, et de disparaître en cas de problème, alors ce sont des faux amis.
Je me suis rendu compte qu’il est aussi difficile aujourd’hui pour beaucoup de s’engager en amitié comme en amour.
Beaucoup de personnes sont entourées de potes, de copains et de copines, de connaissances, de collègues, mais peu par de vrais amis. Celui ou celle qui sera toujours là, sans délai ni jugement, sans y voir une contrainte. Cette familiarité si difficile à trouver amicalement est aussi précieuse que l’amour. C’est un vrai bonheur d’être connecté(e) à quelqu’un, de pouvoir être soi-même, sans se mettre de barrières, de verrou, de limites. De pouvoir, ensemble, pleurer de rire et rire aux larmes, être tour à tour l’épaule réconfortante ou une vraie guimauve larmoyante, se comprendre en un mot ou un regard, se parler pour s’entendre vraiment et pas seulement s’écouter.
Partager, conseiller, soutenir, rire, pleurer, se créer des souvenirs, évoluer ensemble. J’ai longtemps « envié » ces personnes qui conservent au fil du temps un(e) ami(e) d’enfance, ont vécu ensemble toutes les étapes de leur vie de l’école au travail, des jeux d’enfants aux projets d’adultes.
Et puis j’ai réalisé que je connaissais ce bonheur depuis toute petite.
J’ai réalisé que j’avais cette chance parce que la vie m’avait fait un cadeau et que je n’avais pas besoin de chercher cette amie. Elle faisait partie de mon foyer, de ma vie. Ma sœur de sang devenue mon amie de cœur, à tel point qu’aujourd’hui je ne sais pas ce qui est le plus important, qu’elle soit ma sœur ou mon amie ?
Nous ne sommes pas jumelles, nous sommes très différentes de caractères et nos vies le sont aussi. On a eu des disputes, des désaccords, des conflits. Des cris, des larmes, des regrets, des remords parfois. Et pourtant. Cette familiarité et cette complicité ont toujours été les plus fortes. Dire la même chose en même temps, s’envoyer un message simultanément, finir la phrase de l’autre. C’est devenu source de fous rires et plus on vieillit, plus on passe de temps ensemble et plus cela se vérifie.
Alors comme beaucoup j’ai perdu des amies, j’ai été déçue, triste, trahie, blessée.
J’ai douté de ma capacité à être une bonne amie, mis en berne mes exigences, essayé de prendre les choses moins à cœur. Je me suis remise en question, du moins j’ai essayé, après chaque échec amical au même titre qu’après une rupture sentimentale pour ne plus faire les mêmes erreurs. Et je continue à le faire quand cela me tient vraiment à cœur mais je ne donne plus autant de mon temps et de mon énergie, ni de ma confiance aussi vite. L’âge nous rend plus précautionneux, le vécu nous donne les armes nécessaires pour ne plus nous tromper.
J’ai eu la chance de rencontrer de nouvelles belles personnes, de m’en faire, pour certains, des amis, et l’avenir nous dira si cette amitié durera dans le temps, avec réciprocité.
Mais je sais que la meilleure amie qui puisse exister pour moi, je l’ai déjà dans ma vie. Depuis qu’elle est venue au monde. Quand mes parents m’ont donné une petite sœur et une compagne de jeux, ils ne se doutaient pas qu’ils feraient de nous des confidentes et nous offraient, à l’une comme à l’autre, aussi, une amie pour la vie.
A C., ma sœur et amie, de sang & de cœur