Ils sont deux. Amoureux. Heureux. Ils font partie des autres, de ceux-là. De ceux qui ont trouvé leur partenaire, leur moitié, leur âme sœur. De ceux qui ont trouvé en une seule personne ce qu’ils attendaient. De ceux qui ressentent pour une seule personne du désir, de la tendresse, du respect, de l’estime, de l’amour. De ceux qui partagent une vraie complicité, une vraie sincérité. Qui savent ce qu’est une relation basée sur la réciprocité. Des mots, des actes, des émotions, des sentiments. Ceux qui n’ont pas peur d’être à deux, du mot couple, de l’engagement, d’être amoureux, d’aimer une seule personne et de l’aimer vraiment, de construire, d’avancer. Ensemble. À deux. Mais hélas, ils sont ceux qui me font réaliser que moi, je ne connais plus ça, que je ne le vis pas, que je suis seule. Leur bonheur me fait plaisir mais il me ramène à ma condition, et je me rappelle, via cette lettre de solitude, combien seule face à mon entourage en couple, le poids de la solitude est lourd à porter parfois.
Voilà ceux qui m’entourent de leur bonheur.
Oh sûrement imparfait bien sûr, fait de concessions, de compromis, de désaccords et de disputes parfois aussi. De tensions, de déceptions, de remise en question. Mais avant tout d’un bonheur réel construit sur des bases solides.
Voilà ce que je vois autour de moi. Et moi ? Je suis seule. Enfin pas seule au sens propre du nom, j’ai ma famille, des amis, des collègues, comme beaucoup d’entre nous.
Mais je suis célibataire. Je vis ce qu’on appelle la solitude affective, une période de désert sentimental.
Par choix ? Non, enfin si, par choix involontaire, parce que la vie en a décidé ainsi pour le moment. J’ai guéri mes blessures passées, pansé mes plaies de dépendance affective. C’est déjà une victoire. Je ne serai plus jamais avec quelqu’un pour de mauvaises raisons, par peur de la solitude, par ennui, par manque, pour faire comme tout le monde. Non ce sera par envie. Par évidence.
Mais en attendant je suis seule. Et certains événements sont douloureux à vivre quand on a que sa solitude avec qui la partager.
Quand on a que soi-même avec qui créer des souvenirs. Quand on ne compte plus pour personne. Je vois leur complicité, leur familiarité. Leurs habitudes, leur façon d’être ensemble et de vivre.
J’entends leurs projets, leurs vies imbriquées l’une dans l’autre pour avancer ensemble.
Et moi je reste là sur le bord de la route. Je me construis seule. Sans personne pour m’accompagner. Me guider, me conseiller, me soutenir. Sans personne avec qui partager. Partager mes envies, ma vie. Partager qui je suis. Personne. À qui parler vraiment, me confier. Avec qui me projeter. Personne qui m’aime et que j’aime en retour. Personne avec qui c’est évident.
Personne pour être deux, amoureux, heureux. Non pour le moment, il n’y a personne.
Alors je ne suis pas malheureuse à chaque instant, chaque jour, non. C’est juste un manque de plus en plus insidieux, une envie de plus en plus concrète. D’être à deux. La sensation d’être prête. La curiosité de découvrir qui sera mon autre. L’impatience et la peur qui se mêlent de ne jamais connaître ça à nouveau.
Mon individualité mêlée à celle de quelqu’un d’autre, l’entité d’un couple, le bonheur d’une vie à deux.
Je ne me définis pas essentiellement par mon célibat, je ne considère pas que c’est un statut d’ailleurs, c’est juste un fait, une réalité. Je ne veux pas être avec quelqu’un à tout prix pour ne pas être seule. Faire semblant, faire comme les autres, se forcer, je ne sais pas faire. Comme on dit si souvent, il vaut mieux être seule que mal accompagnée. Et puis surtout il est sain de préférer sa solitude à une relation faute de mieux qui ne nous apporte rien de ce que l’on souhaite vraiment, intrinsèquement. A chacun ses exigences, son seuil de tolérance. Non c’est juste que je réalise parfois, dans certaines situations, que le temps file et que mon statut sentimental stagne. Que je ne trouve pas celui qui saura me donner l’envie d’être à deux à nouveau vraiment, alors que l’envie est là pourtant, et le manque aussi ne nous mentons pas, qui frôle parfois une certaine impatience. Impatiente mais apeurée, inquiète même.
Mes pressentiments et mes intuitions se perdent entre les déceptions déjà vécues, déjà subies. J’ai perdu de ma perspicacité.
Mais je veux y croire. Car l’amour n’est-il pas la plus belle chose qui existe ? Être bien avec soi-même d’abord, apprendre à s’aimer, c’est fait. Mais rester seule, non.
On a trop d’amour en soi à donner pour se complaire dans une solitude affective éternelle.
Ils sont là autour de moi. À deux. Parfois je les regarde et je les envie. C’est peut-être horrible à dire mais c’est pourtant vrai et je l’assume.
J’éprouve une sensation désagréable d’être différente, d’être bannie des élus de l’amour.
Mais en même temps ils me donnent l’espoir que cela existe encore. Ils m’insufflent l’envie d’y croire. Oui cela existe encore. Et c’est ainsi que je vois ma vie, pas autrement.