Les histoires d’amour passionnelles et parfois déchirantes de ceux qu’on appelle les grands hommes, à savoir des écrivains, des poètes, des grands penseurs ou encore des hommes de pouvoir, ne s’exprimaient pas comme aujourd’hui à travers des SMS et des smileys, mais de manière épistolaire. Pour vous montrer que le romantisme, la poésie et la passion, mais parfois aussi l’érotisme cru, étaient aussi l’affaire des grands hommes, que le désir et l’amour était au centre de leur existence, voici une sélection de trois magnifiques lettres d’amour de grands hommes, écrivains et poètes. Musset, Apollinaire, Balzac. Plongez dans leur passion amoureuse à la fois surannée et intemporelle.
Lettres d’amour des grands hommes
Les lettres, qu’on appelait correspondances, étaient alors la seule la façon de communiquer, d’échanger et donc de se dévoiler, d’exprimer ses émotions et ses sentiments. Certaines de ces lettres d’amour des grands hommes sont d’ailleurs célèbres, de par leur beauté, leur intensité, la passion partagée et parfois, l’interdit de cet amour caché. Pourquoi ces correspondances épistolaires suscitent-t-elles tant d’intérêt ? Parce que ces lettres d’amour sont de véritables chefs-d’œuvre de littérature et une source d’inspiration intemporelle.
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#1 Lettre d’Alfred de Musset à George Sand : la déclaration d’amour d’un ami, amitié amoureuse ?
George Sand, plus âgée que Musset et déjà mère de famille, n’avait que peu de foi en lui lors de leur rencontre ; pourtant, après deux ans d’amour et un ouvrage, La Confession d’un enfant du siècle, qui les immortalisa à jamais, son histoire avec le jeune poète était définitivement entrée dans les annales. Cette lettre date le début de leur histoire : la déclaration d’amour d’Alfred de Musset.
La lettre :
« Juillet 1833,
Mon cher George,
J’ai quelque chose de bête et de ridicule à vous dire. Je vous l’écris sottement, au lieu de vous l’avoir dit, je ne sais pourquoi, en rentrant de cette promenade. J’en serai désolé ce soir. Vous allez me rire au nez, me prendre pour un faiseur de phrases dans tous mes rapports avec vous jusqu’ici. Vous me mettrez à la porte et vous croirez que je mens. Je suis amoureux de vous. Je le suis depuis le premier jour où j’ai été chez vous. J’ai cru que je m’en guérirais tout simplement en vous voyant à titre d’ami. Il y a beaucoup de choses dans votre caractère qui pouvaient m’en guérir ; j’ai tâché de me le persuader tant que j’ai pu ; mais je paye trop cher les moments que je passe avec vous. J’aime mieux vous le dire et j’ai bien fait, parce que je souffrirai bien moins pour m’en guérir à présent si vous me fermez votre porte.
Cette nuit pendant que [deux mots illisibles, raturés par George Sand]… J’avais résolu de vous faire dire que j’étais à la campagne, mais je ne veux pas faire de mystères ni avoir l’air de me brouiller sans sujet. Maintenant, George, vous allez dire : encore un qui va m’ennuyer comme vous dites ; si je ne suis pas tout à fait le premier venu pour vous, dites-moi, comme vous me l’auriez dit hier en me parlant d’un autre, ce qu’il faut que je fasse. Mais je vous en prie, si vous voulez me dire que vous doutez de ce que je vous écris, ne me répondez plutôt pas du tout. Je sais comme vous pensez de moi, et je n’espère rien en vous disant cela. Je ne puis qu’y perdre une amie et les seules heures agréables que j’ai passées depuis un mois. Mais je sais que vous êtes bonne, que vous avez aimé, et je me confie à vous, non pas comme à une maîtresse, mais comme à un camarade franc et loyal.
George, je suis un fou de me priver du plaisir de vous voir pendant le peu de temps que vous avez encore à passer à Paris, avant votre voyage à la campagne, et votre départ pour l’Italie où nous aurions passé de belles nuits, si j’avais la force. Mais la vérité est que je souffre et que la force me manque. »
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#2 Lettres d’amour des grands hommes : De Guillaume Apollinaire à Lou : une lettre crue et sans pudeur
Peu avant de partir pour la guerre, Apollinaire tombe fou amoureux de Louise de Coligny-Châtillon, qu’il surnomme Lou. Rencontrée dans un train en septembre 1914, il la courtise d’abord en vain. C’est quand sa demande d’engagement est enfin acceptée et qu’il est envoyé à Nîmes, qu’elle finit par accepter ses avances et part le rejoindre pendant une semaine. De cette semaine de passion naîtra une correspondance très régulière entre les deux amants. Et leur brève liaison devint cependant pour Apollinaire un sujet de constante inspiration. Par pudeur, il promit de ne jamais publier les lettres à Lou ; ce fut elle qui laissa le monde entier découvrir, à la mort d’Apollinaire, cette correspondance aussi poétique qu’érotique.
La lettre :
« Nîmes, le 13 janvier 1915,
Lou, encore une fois je veux que tu ne te fasses pas menotte trop souvent. Je vais être jaloux de ton doigt. Je veux que tu me dises quand tu t’es fait menotte et que tu résistes un peu, je serai obligé de te corriger. Tu ne fais aucun effort de ce côté. Tu es merveilleusement jolie ; je ne veux pas que tu te fanes en t’épuisant par les plaisirs solitaires. (…)
Je ne sais si on me donnera une permission pour Nice avant longtemps. Il me tarde que tu sois là. Si tu savais comme j’ai envie de faire l’amour, c’est inimaginable. C’est à chaque instant la tentation de saint Antoine, tes totos chéris (…) je passe mon temps à penser à ça, à ta bouche, à tes narines. C’est un véritable supplice, c’est extraordinaire, ce que je peux te désirer.
Tu m’as fait oublier mes anciennes maîtresses à un point inimaginable. Pourtant elles étaient jolies. Je ne les vois plus que comme de la m..(…) Marie L. ravissement faite, un des plus gros derrières du monde et que je transperçais avec un âcre plaisir. Elle n’est pas plus que du crottin. Toi seule, mon Lou adoré, ma chère captive, ma chère fouettée, toi seule existes. Mon Lou je me souviens de notre 69 épatant à Grasse. Lire la suite
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#3 Lettre d’amour de Victor Hugo à Adèle Foucher
Adèle est une amie d’enfance de Victor Hugo dès 1809 (son père Pierre Foucher, greffier au Tribunal à Paris, est un ami des parents de Victor Hugo). Elle épousera Hugo le 12 octobre 1822, en, trois ans et demi après leurs fiançailles et malgré la réticence des parents respectifs.
Le lettre:
1820
Samedi soir (janvier).
Quelques mots de toi, mon Adèle chérie, ont encore changé l’état de mon âme. Oui, tu peux tout sur moi, et demain je serais mort que j’ ignore si le doux son de ta voix, si la tendre pression de tes lèvres adorées ne suffiraient pas pour rappeler la vie dans mon corps.
Combien ce soir je vais me coucher différent d’hier !
Hier, Adèle, toute ma confiance dans l’avenir m’avait abandonné, je ne croyais plus à ton amour, hier l’heure de ma mort aurait été la bienvenue. Cependant, me disais-je encore, s’il est vrai qu’elle ne m’aime pas, si rien dans mon âme n’a pu me mériter ce bien de son amour sans lequel il n’ y a plus de charme dans ma vie, est-ce une raison pour mourir ? Lire la suite
#4 Lettres d’amour des grands hommes : Paul Eluard à Gala
Paul Eluard et Helena Dmitrievna Diakonova, plus connue sous le nom de Gala, se rencontrent dans un sanatorium alors qu’ils sont tous deux en convalescence. Ils se marient en 1917. Pour Eluard, Gala restera, même après leur divorce en 1932, sa seule et unique inspiratrice.
La lettre :
Ma belle, mon adorée, je m’ennuie de toi à mourir. Tout est vide, je n’ai que tes vêtements à embrasser. Ton corps, tes yeux, ta bouche, toute ta présence me manquent. Tu es la seule, je t’aime de toute éternité. Toutes les détresses que j’ai subies ne sont rien. Mon amour, notre amour les brûle. Quand tu reviendras, je veux te parer merveilleusement. Donne-moi la taille pour les pyjamas (!!!). Je veux pour toi tout ce qu’il est possible d’avoir, tout ce qu’il y a de plus beau. Reste le moins longtemps possible absente. Reviens vite. Sans toi, je ne suis plus rien. Tous les autres désirs je les réalise en rêve. Le désir que j’ai de toi, je le réalise dans la réalité. Il absout la réalité.
Gala, mon dorogoï, ma toute aimée, depuis toujours, reviens le plus vite possible. Rien ne vaut que nous nous privions ainsi l’un de l’autre. Ici tout va bien, malgré ma tristesse. […]
#5 : Déclaration d’amour de Lamartine à Mary Anne Birch
Julie, la jeune femme pour laquelle le poète a composé ses plus beaux poèmes est décédée en 1817. Lamartine en reste inconsolable. Deux ans plus tard, il rencontre chez sa sœur une jeune Anglaise qui parvient à toucher son cœur : Mary Anne Birch. Voici la déclaration de Lamartine à sa nouvelle conquête :
La lettre :
1819,
J’ose vous supplier, Mademoiselle, de ne pas me juger avec sévérité la démarche à laquelle la nécessité me force à recourir, et de lire au moins cette lettre jusqu’au bout.
Je n’ai pu vous voir sans vous aimer, et chaque jour comme chaque parole a contribué, depuis, à fortifier en moi ce penchant d’abord involontaire, mais que la raison et la volonté approuvent également aujourd’hui. Je ne puis me résoudre à m’éloigner sans vous l’avoir au moins découvert ; je sais qu’il eût été plus convenable de commencer par en parler à d’autres qu’à vous, mais je sais aussi que, d’après la différence de religion et de patrie qui est entre nous, mes premières démarches auprès de Madame votre mère auraient été probablement repoussées au premier abord, et, comme le bonheur de ma vie dépend du succès de ces démarches, il fallait que je m’assurasse auparavant de vos propres sentiments, et que j’obtinsse de vous-même la permission de les entreprendre. Lire la suite
#6 Lettres d’amour des grands hommes : Balzac à « L’Étrangère » : une lettre d’amour douloureusement passionnée
« L’Étrangère », c’est sous ce nom que Madame Hanska, lectrice et admiratrice du grand écrivain, signe sa première lettre à Balzac. Intrigué, le grand romancier passe une annonce dans un journal, l’incitant à lui écrire de nouveau. De relations épistolaires en rencontres réelles, la flamme ne cesse de croître : 18 ans après, elle deviendra son épouse. Balzac, épuisé et malade, meurt trois mois plus tard.
La lettre :
« Tu sens bien, ma chère bien-aimée que je n’ai pas l’âme assez étroite pour distinguer ce qui est à toi de ce qui est à moi, tout est à nous, coeur, âme, corps, sentiments, tout, depuis la moindre parole jusqu’au plus léger regard, depuis la vie jusqu’à la mort, mais ne nous ruine pas, car je t’enverrai cent autrichiens pour un ; et tu crieras à la folie. Mon Ève adorée, je n’ai jamais été si heureux, je n’ai jamais tant souffert. Un coeur plus ardent que l’imagination n’est vive est un funeste présent quand le bonheur complet n’étanche pas la soif de tous les jours. Je savais tout ce que je venais chercher de douleurs et je les ai trouvées. Là-bas, ces douleurs me semblaient le plus grand des plaisirs, et je ne me suis pas trompé. Les deux parts sont égales.
Pour cela, il a fallu que tu fusses embellie et rien n’est plus vrai. Hier encore, tu étais à rendre fou. Si je ne savais pas que nous sommes liés à jamais, je mourrais de chagrin ; aussi ne m’abandonne jamais, car ce serait un assassinat. Ne détruis jamais la confiance qui est notre seul bien complet dans cet amour si pur. N’aie pas de jalousies qui n’ont jamais de fondement. Tu sais combien les malheureux sont fidèles ; les sentiments sont tout leur trésor, leur fortune, et nous ne pouvons pas être plus malheureux que nous le sommes ici.
Rien ne peut me détacher de toi, tu es ma vie et mon bonheur, toutes mes espérances. Je ne crois à la vie qu’avec toi.(…) » Lire la suite
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