Hommes de lettres, de pouvoir ou du 7ème art, tous ont un point commun : celui de considérer l’écriture comme une des choses fondamentales de la vie. Les mots sont au centre de leur existence, et ils ne leur servent pas seulement à écrire des lettres officielles, des livres ou des pièces de théâtre, mais aussi à exprimer leurs émotions et à dévoiler leurs sentiments. Les échanges épistolaires font partie de leur vie personnelle, ils expriment dans leurs correspondances leurs sentiments amoureux. Lettres d’amour tristes ou émouvantes, les 5 lettres suivantes font partie des plus belles lettres d’amour de tous les temps.
5 des plus belles lettres d’amour de tous les temps
#1 De Gustave Flaubert à Louise Colet, une lettre d’amour triste
Écrivain phare du XIXe siècle, Gustave Flaubert est connu pour ses œuvres principales Madame Bovary et l’Éducation sentimentale. Il fait la rencontre de la poétesse Louise Colet, avec qui il vivra une aventure houleuse et tumultueuse. Leur correspondance était considérable.
Voici un extrait de l’une de lettres de Flaubert que l’on peut retrouver dans le recueil Lettres à Louise Colet.
« Ta lettre de ce matin est triste, est d’une douleur résignée. (…) Ce que je veux de toi ? Je n’en sais rien. Mais, ce que je veux moi, c’est t’aimer, t’aimer mille fois plus. Oh ! si tu pouvais lire dans mon cœur, tu verrais la place où je t’ai mise ! (…) Ne retiens pas tes larmes ; ça vous retombe sur le cœur, vois-tu, et ça y fait des trous profonds. (…) Qui ne l’est pas, égoïste, d’une façon plus ou moins large ? (…) Être bête, égoïste, et avoir une bonne santé, voilà les trois conditions voulues pour être heureux ; mais si la première nous manque, tout est perdu. (…) Mais je veux dire qu’il me semble que toi aussi, tu as de la tristesse au cœur, et de cette profonde qui ne vient de rien et qui, tenant à la substance même de l’existence, est d’autant plus grande que celle-ci est plus remuée. (…)
Quand tu es habillée, tu es fraîche comme un bouquet. Dans mes bras je te trouve d’une douceur chaude qui amollit et qui enivre. Et moi, dis-moi comment je t’apparais. De quelle façon mon image vient-elle se dresser sous tes yeux ?… Quel pauvre amant je fais, n’est-ce pas ! (…) Il fallait donc que je t’aimasse, et fort, puisque j’ai éprouvé le contraire de ce que j’avais été à l’abord de toutes les autres, n’importe lesquelles. (…) Le cœur humain ne s’élargit qu’avec un tranchant qui le déchire. (…) N’avoir pas seulement à t’offrir une cassolette de vermeil pour faire brûler des parfums quand tu vas venir dormir dans ma couche ! Quel ennui ! Mais je t’offrirai tous ceux de mon cœur. Adieu, un long, un bien long baiser, et d’autres encore. »
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#2 De Victor Hugo à Juliette Drouet, la lettre d’amour de dévotion
Victor Hugo est un monument de la littérature française. Connu pour ses poèmes, ses romans d’amour ainsi que ses pièces de théâtre, il a également entretenu une relation secrète et épistolaire avec Juliette Drouet jusqu’à sa mort. L’auteur alors menacé d’arrestation, son amante lui présente un typographe qui lui fait un autre passeport et le cache chez des amis à elle. Elle le suit à Guernesey où il est en exil. Les lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo sont presque quotidiennes et sa soif de lui insaisissable.
L’année où Hugo échappa à l’arrestation, il lui écrivit cette lettre dont voici quelques extraits, lettres publiées à titre posthume dans le recueil Correspondances.
« Mon doux ange bien aimé, voici l’année qui finit, année de douleurs, année de luttes, année d’épreuves, l’année qui commence sera l’année d’espérance de joie et d’amour. (…) Tu as été admirable ma Juliette dans ces sombres et rudes journées. Si j’avais eu besoin de courage, tu m’en aurais donné, mais j’avais besoin d’amour, et sois béni, tu m’en apportais ! (…) Tu t’étonnais de mon calme et de ma sérénité. Sais-tu d’où me venaient cette sérénité et ce calme ; c’était toi. (…)
Tu as tout donné et tu as tout gardé. J’ai eu tout et tu as tout. Il n’y a que les astres du ciel qui puissent ainsi donner sans cesse leurs rayons sans diminuer leur lumière. L’année qui vient de finir a été triste. Une moitié de mon cœur est morte. (…) Je t’attends ce soir avec bien de l’impatience. On dirait que les battements de mon cœur voudraient hâter les pulsations de la pendule pour y arriver plus vite. Quand je ne serai plus qu’une cendre glacée, quand mes yeux fatigués seront fermés au jour, dis-toi, si dans ton cœur ma mémoire est fixée :Le monde a sa pensée. Moi j’avais son Amour. »
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#3 D’Alphonse de Lamartine à Mary Anne Birch, une lettre d’amour très émouvante
Lamartine est un poète et romancier français qui appartenait au mouvement des romantiques. Le grand amour de sa vie fut Julie Charles, une femme mariée qu’il rencontra en cure à Aix-les-Bains. Il lui dédia son poème le plus connu, Le Lac. Mais un événement tragique sépare les deux âmes à tout jamais ; Julie décède subitement et laisse son amant inconsolable. Deux ans plus tard, il fait la connaissance de Mary Anne Birch, avec qui il finira par se marier.
Afin de lui déclarer son amour, il lui écrit cette lettre :
« J’ose vous supplier, Mademoiselle, de ne pas me juger avec sévérité la démarche à laquelle la nécessité me force à recourir, et de lire au moins cette lettre jusqu’au bout. Je n’ai pu vous voir sans vous aimer, et chaque jour comme chaque parole a contribué, depuis, à fortifier en moi ce penchant d’abord involontaire, mais que la raison et la volonté approuvent également aujourd’hui. (…) Si je puis me croire assez heureux pour que vous partagiez seulement en silence les sentiments que vous avez fait naître, rien ne me coûtera pour parvenir au terme de mes vœux que je pourrai croire les vôtres. (…)
Nous aurons sans doute des deux côtés des obstacles d’égale force, mais aucun obstacle ne peut être aussi fort que le sentiment qui me guide (…) Je m’arrête, j’en ai peut-être trop dit, mais je ne pouvais plus me taire. Non : vous ne me condamnerez pas, et si vous m’avez jugé vous-même avec indulgence, vous comprendrez mieux que personne la force du sentiment qui m’entraîne ! J’attends mon sort du premier regard qui suivra la lecture de cette lettre. »
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#4 De Napoléon Bonaparte à Joséphine de Beauharnais, la lettre d’amour du manque
Napoléon fut le premier Empereur français et marqua l’histoire à travers ses nombreuses guerres et ses conquêtes impossibles. Mais le cœur du Général n’était pas uniquement dévoué à la guerre, il s’intéressait également à l’amour. Sa première femme, couronnée impératrice en même temps que lui, était Joséphine de Beauharnais. Elle venait des Trois-Îlets, en Martinique.
Alors qu’il était en campagne, il écrivit cette lettre à son amante qui allait devenir sa femme.
« Nice, le 10 germinal
Je n’ai pas passé un jour sans t’aimer ; je n’ai pas passé une nuit sans te serrer dans mes bras ; je n’ai pas pris une tasse de thé sans maudire la gloire et l’ambition qui me tiennent éloigné de l’âme de ma vie. Au milieu des affaires, à la tête des troupes, en parcourant les camps, mon adorable Joséphine est seule dans mon coeur, occupe mon esprit, absorbe ma pensée. (…) Mon âme est triste ; mon cœur est esclave, et mon imagination m’effraie… Tu m’aimes moins ; tu seras consolée. Un jour, tu ne m’aimeras plus ; dis-le-moi ; je saurai au moins mériter le malheur… (…) «je t’aime moins» sera le dernier de ma vie.
Si mon cœur était assez vil pour aimer sans retour, je le hacherais avec les dents.(…) As-tu cessé de m’aimer ? Pardon, âme de ma vie, mon âme est tendue sur de vastes combinaisons. Mon cœur, entièrement occupé par toi, a des craintes qui me rendent malheureux… Je suis ennuyé de ne pas t’appeler par ton nom. J’attends que tu me l’écrives. Adieu ! Ah ! si tu m’aimes moins, tu ne m’auras jamais aimé. Je serais alors bien à plaindre. »
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#5 De Jean Cocteau à Jean Marais, la lettre d’amour existentielle
Jean Cocteau est un romancier, cinéaste, poète et un dramaturge français. Alors qu’il est en train d’auditionner des acteurs pour les rôles de sa prochaine pièce Œdipe Roi, il fait la rencontre de Jean Marais. L’acteur deviendra vite son amant, s’alliant à lui aussi bien à la ville qu’à la scène, où ils semblent inséparables. Bien que cette passion n’ait pas perduré, les deux hommes sont restés amis toute leur vie.
Publiées dans un recueil de lettres sobrement appelé Lettres à Jean Marais, en voici un extrait :
« Mon Jeannot,
Le beau dimanche approche. Même s’il pleut, ce sera un beau dimanche. Voilà le prodige de notre rêve et que les circonstances rendent si merveilleux. Je n’existe que par toi et par ces visites — je n’écoute plus la ville et son brouillard d’idées. Tout me semble clair et pur à cause de ton soleil et de ton espoir. C’est toi qui as raison. C’est ton étoile qui donne la chance et la joie. C’est le reste qui s’embrouille et trébuche dans les ténèbres.
Cela m’amuse de penser que tu t’accuses de bêtise ! Toi le sage. Toi le seul qui sache et qui vive au-dessus et au-dessous de la bêtise. Je me sens si lourd et si balourd à côté de toi. Sans ta légèreté, sans ta force, je serais une loque et je me laisserais prendre par l’ankylose. Mais je n’ai qu’à « voir » ta figure, tes mèches, ta casquette, tes bottes et 107 pour chasser le diable et retrouver le cortège des anges. Mon Jeannot, je te bénis, je te remercie de m’aimer et de me transformer. Je t’embrasse du fond de l’âme. »