J’ai lu Sale bourge de Nicolas Rodier juste après la tétralogie de L’amie prodigieuse. Logique donc que la plume crue et sans fioriture de Nicolas Rodier m’est parue brutale. Les phrases sont courtes et simples à l’excès alors que le propos est lourd et violent. Très vite, je comprends que ce style est voulu et même nécessaire. Je plonge dans la violence de ce roman, je suis happée et le lis d’une traite.
Sale bourge de Nicolas Rodier : Synopsis :
Pierre passe la journée en garde à vue après que sa toute jeune femme a porté plainte contre lui pour violences conjugales. Pierre a frappé, lui aussi, comme il a été frappé, enfant. Pierre n’a donc pas échappé à sa « bonne éducation » : élevé à Versailles, il est le fils aîné d’une famille nombreuse où la certitude d’être au-dessus des autres et toujours dans son bon droit autorise toutes les violences, physiques comme symboliques. Pierre avait pourtant essayé, lui qu’on jugeait trop sensible, trop velléitaire, si peu « famille », de résister aux mots d’ordre et aux coups.
Comment en est-il arrivé là ? C’est en replongeant dans son enfance et son adolescence qu’il va tenter de comprendre ce qui s’est joué, intimement et socialement, dans cette famille de « privilégiés ».
Dans ce premier roman à vif, Nicolas Rodier met en scène la famille comme un jeu de construction dont il faut détourner les règles pour sortir gagnant.
Sale bourge de Nicolas Rodier : Mon avis
Un roman cinglant et qui fait froid dans le dos. Pierre Desmercier est l’aîné d’une famille de six enfants de la plus pure tradition bourgeoise. Une famille bien sous tout rapport, enfin, de l’extérieur. Car derrière cette façade lisse se dissimule une violence indicible : violence physique et émotionnelle.
Sale bourge, c’est un roman qui prouve que la violence n’est pas l’apanage des milieux défavorisés. Sale bourge c’est l’histoire d’un enfant qui grandit dans une famille chaotique et qui, adulte, gardera des séquelles profondes de son passé traumatisant.
« Lorsqu’elle est épuisée, notre mère crie encore plus fort et prend une corde à sauter pour nous punir. Nous courons alors le plus vite possible vers notre lit pour nous protéger avec la couette. Dans sa rage, elle ne voit pas que l’une des poignées, en bois ou en plastique, lui a échappé et qu’elle nous fouette directement avec. Nous avons mal au dos, au ventre, aux mollets. » (p.32)
Brimades, humiliations, coups, tout est permis. Mais comment se construire dans une telle famille ? Comment être équilibré quand notre modèle familial est toxique et malsain ?
Un roman qui n’excuse pas
Au début, ce roman m’a dérangée car il explique la violence donnée par la violence reçue. Mais au final, je l’ai trouvé d’une justesse incroyable car Sale bourge n’excuse pas, ne cherche même pas à émouvoir. Il offre au lecteur le point de vue de celui qui commet la violence malgré lui, qui cherche à la fuir mais qui est rattrapé par son passé, sa rage, ses blessures de l’enfance.
L’amour peut-il sauver ?
Pas dans Sale bourge en tous cas. Quand il rencontre Maud, Pierre se sent revivre et on croit en sa rémission. Malheureusement, ses démons viennent le rattraper. Sa susceptibilité est exacerbée et il ne supporte pas être remis en question, même pour des choses anodines. Malgré l’amour que Maud lui porte et son envie d’aider celui qu’elle aime, la violence finit par l’emporter.
« L’assaut est immédiat. C’est incontrôlable. Je me sens amputé de tout attrait de séduction. Mon sang bouillonne. Je suis castré. J’ai peur de ma réaction. Je remets mon manteau et quitte l’appartement. »
Sale bourge est un roman glaçant que je conseille aux personnes qui ont le coeur solide ! Et que je déconseille à celles fragiles ou qui se trouvent dans une période difficile de leur vie.