Je ne m’exprime pas beaucoup sur le sujet car ça fait remonter en moi des souvenirs douloureux, des périodes de ma vie que je préfèrerais oublier. Mais cela m’a aussi forgé et il ne faut pas que je renie tout ce que j’ai vécu, aussi difficile cela fut-il. Alors aujourd’hui, je voudrais écrire cette lettre d’amour à tous ceux qui luttent contre la dépression chronique.
Lettre d’amour à tous ceux qui luttent contre la dépression chronique
On m’a diagnostiqué une dépression chronique vers l’âge de onze ans, un diagnostic que j’ai fini par intégrer. Je n’ai jamais eu honte de ma maladie mentale, ce n’est pas quelque chose que j’aurais pu causer, c’est involontaire de ma part et je savais que cela ne définissait pas qui j’étais. Mais je pense que j’ai choisi d’ignorer la partie « chronique » de mon diagnostic parce que je souhaitais ne plus jamais éprouver ce sentiment. J’absorbais constamment les rayons lumineux du soleil autant que je le pouvais – je ne voulais pas être catapulté à nouveau dans les murmures froids de l’obscurité. J’ai oublié que c’est comme un volcan : il peut rester en sommeil pendant des mois et peut-être même des années, mais il aura toujours la possibilité d’entrer en éruption.
C’est comme ça que le dragon endormi s’est réveillé en moi et que je ne l’ai même pas remarqué.
Je me suis retrouvé à rester au lit un peu plus longtemps chaque matin, en sautant d’abord mes cours de math, puis ensuite de théâtre. Je n’enlevais pas tout de suite mon pyjama et je me lavais aux alentours de 14h. Il fallait que je me convainque de travailler, que je prenne des heures pour me convaincre de faire des choses que j’aimais. J’ai arrêté de lire. Et je passais tout mon temps au lit en ne souhaitant qu’une chose : ne jamais en sortir !
Au début, j’étais vraiment en colère contre moi-même.
Je ne comprenais pas pourquoi je ne pouvais pas me résoudre à faire la plus simple des tâches. Les choses que j’aimais, qui ne manquaient jamais de me faire sourire, me laissaient un sentiment d’engourdissement et de vide. Mais croyez-moi, me mettre en colère contre moi-même n’a fait qu’empirer les choses.
Alors, écoutez-moi bien.
Si j’écris sur ce sujet aujourd’hui ce n’est pas pour trouver du réconfort. Du réconfort, j’en trouve lors de mes séances de thérapie. Aujourd’hui, c’est vous que je veux réconforter en écrivant cette lettre d’amour à tout ceux qui luttent contre la dépression chronique.
A vous. Qui que vous soyez : que vous soyez jeune ou plus âgé. Homme, femme, non binaire ou non conforme au genre. La dépression ne discrimine pas comme le fait la société. Elle reste dans votre cerveau, jusqu’à ce qu’elle transforme vos insécurités refoulées en vos plus grands cauchemars. Rappelez-vous que vous êtes une belle personne. Oui, je dis « belle » parce que c’est ce que vous êtes. Belle. Pourquoi ? Votre dépression vous a-t-elle dit le contraire ? Bien sûr qu’elle l’a fait. C’est ce qu’elle fait. Toujours. Et elle le fait plutôt bien.
Mais aussi fou que cela puisse vous sembler, vous n’êtes pas obligé de l’écouter.
S’il vous plaît, soyez gentil avec vous-même. Rome n’a pas été construite en un jour et votre coeur ne sera pas libéré en un seul essai. Cela prendra du temps. Vous tomberez parfois, c’est inévitable. Mais vous n’échouerez jamais, car si vous échouez, cela signifie que vous avez renoncé à la vie magnifique que l’univers a envisagée pour vous.
Vous n’avez pas échoué. Vous n’échouerez pas.
Vous avez encore du souffle dans vos poumons ? Alors l’univers n’en a pas encore fini avec vous. Vous n’êtes pas obligé de rester dans ce trou, vous pouvez choisir de vous faire un câlin et de vous dire que tout ira bien. Vous êtes le seul à pouvoir décider si vous allez laisser la dépression prendre le dessus ou non. Après cela, tout devient plus facile. Le plus dur est de se montrer à soi-même. À partir de là, appuyez-vous sur les autres : parlez aux amis, aux parents et aux thérapeutes. Allez vous promener si vous n’arrivez pas à courir. Sautez sur un tapis de yoga ou faites du vélo. Faites-vous un soin du visage ou cuisinez pour vous-même, un verre de vin à la main. Lisez un livre qui vous réconforte.
Rappelez-vous le bonheur que vous éprouviez avant cette mauvaise passe
Qu’il y avait du soleil avant la tempête et qu’il y en aura encore. Vous devez juste décider d’aller chasser cet arc-en-ciel. Soyez doux, patient et gentil avec vous-même. Le dragon se rendormira : que ce soit pour un mois, un an ou deux ans, il dormira.
Il n’y a pas de remède et je pense que c’est ce que j’avais espéré au début. Oui, c’est un travail difficile, mais nous pouvons le faire. Vous pouvez le faire. Parce que vous êtes bien plus fort que ce que vous pensez !
Laissez-moi vous dire un secret.
La dernière fois que j’ai été malade, il n’y a pas si longtemps, je voulais mourir. J’étais même jaloux des personnes atteintes de maladies en phase terminale comme le cancer, parce qu’elles avaient une raison de rester au lit et de mourir et parce que les gens n’auraient pas une mauvaise opinion d’elles pour cela. Et pourtant, en même temps, je ne croyais pas vraiment que j’étais malade. J’ai suivi mon psychiatre et mon médecin généraliste parce que je pensais que je devais le faire, et je n’avais pas l’énergie de discuter avec eux. Mais à l’intérieur, je me disais que j’étais paresseux, timide au travail, lâche, incompétent et égocentrique, que j’étais un gaspillage d’espace.
Maintenant, parlons de vous.
Vous êtes une personne merveilleuse, dotée de qualités fabuleuses et intéressantes qui font de vous ce que vous êtes. C’est juste que vous les avez perdues de vue pendant un certain temps. La dépression m’a rendu visite à plusieurs reprises, chacune d’entre elles étant différente à sa manière. D’après mon expérience, et celle de beaucoup d’autres qui ont généreusement partagé la leur, les choses spéciales qui font de vous ce que vous êtes reviendront. C’est juste que la force, la patience et l’espoir dont vous avez besoin pour attendre leur retour est exactement ce que la dépression vous enlève. Alors, en ce moment, tout vous semble impossible. Je connais vraiment ce sentiment.
La dépression est une maladie.
Elle se voit en fait dans le cerveau. Elle peut s’améliorer d’elle-même. Mais selon sa gravité, cela peut prendre des années. Même si les choses semblent mauvaises en ce moment, si vous ne demandez pas d’aide, elles pourraient s’aggraver. Vous avez peut-être déjà constaté qu’il est utile de parler à un ami ou d’appeler une ligne d’assistance. Si ce n’est pas le cas, faites-le !
Votre médecin généraliste et/ou votre psychiatre peut vous aider.
Il peut vous aider à décider si vous avez besoin de médicaments et/ou d’une thérapie par la parole, ou d’une orientation vers des services plus spécialisés. Si on vous les prescrit, les nouveaux médicaments antidépresseurs agissent sur votre corps pour vous aider à guérir. Oui, ils ont des effets secondaires. Mais les antibiotiques aussi, et vous les prendriez probablement si vous aviez une infection grave. Les personnes et les sites web qui vous disent que prendre des antidépresseurs est un signe de faiblesse ne savent vraiment pas de quoi ils parlent. Ne suivez pas les conseils d’une personne qui n’est pas un médecin qualifié. Si on vous prescrit des médicaments, j’espère que vous envisagerez de les prendre, y compris en attendant qu’ils commencent à faire effet, ce qui peut prendre une semaine à un mois environ, et en évitant les choses que vous devriez éviter pendant que vous les prenez. Et si vous êtes orienté vers une thérapie par la parole ou un groupe, donnez-vous une chance, même si vous êtes anxieux ou faible, et envisagez sérieusement de vous y soumettre.
Vous aurez de bons et de mauvais jours.
Avec le temps, vous remarquerez progressivement qu’il y a plus de bons que de mauvais jours. Vous vous réjouirez à nouveau de petites choses, comme une promenade sous la pluie ou le sourire d’un étranger. Vous trouverez des choses à faire qui vous donneront un sentiment d’accomplissement. Je fais des puzzles et du très mauvais tricot. Trouvez ce qui vous fait du bien. Faites en sorte que les tâches soient petites et réalisables. Et célébrez ce que vous avez fait. Parce que vous êtes étonnant d’avoir trouvé la force de les faire.
Apprendre à être gentil avec soi-même peut être un projet de toute une vie.
Et si vous n’êtes pas gentil avec vous-même, il est beaucoup plus difficile d’être gentil avec les autres. C’est pourquoi c’est une chose généreuse et réfléchie à faire.
Je vous souhaite bonne chance pour la suite de votre voyage. Sachez ceci : vous n’êtes pas seul.e !
Avec tout mon amour,
T.