« Tu files au coin » ! Cette injonction fait-elle partie de vos pratiques éducatives ? Parents, lorsque votre enfant fait une bêtise ou est insolent, quel moyen utilisez-vous pour lui faire comprendre que son comportement est inadapté ? Mettre son enfant au coin, est-ce une bonne ou une mauvaise idée selon vous ? Vous posez-vous la question de son bienfondé, de son efficacité ? Mettre un enfant au coin lorsqu’il n’est pas sage est une « punition » classique qui existe depuis longtemps. Est-ce utile pour faire redescendre la pression, pour un retour au calme, pour permettre à l’enfant de réfléchir à son comportement ? Ou, au contraire, est-ce démesuré, émotionnellement difficile, synonyme de stress et de rejet ? Pour ou contre ? Voici quelques éléments de réponse pour vous aider à mieux comprendre le sujet.
Mettre son enfant au coin : bonne ou mauvaise idée ?
Origines et popularité
La mise au coin est la deuxième méthode de discipline la plus utilisée au monde, après les explications. Elle existe depuis les années 1970 et a connu son pic de popularité dans les années 2000 via l’émission britannique Super Nanny qui s’est ensuite exportée en France. La nounou Jo Frost y encourageait les parents à utiliser une chaise en particulier ou une marche d’escalier pour retirer leurs enfants désobéissants et les faire réfléchir à leurs actes.
Une pratique qui ne fait pas l’unanimité
En 2014, le magazine Time a publié un article affirmant que cette technique pouvait être néfaste pour l’enfant ainsi que pour le lien de confiance parent-enfant.
Mais depuis, d’autres études ont avancé que le retrait, lorsqu’il est bien utilisé, peut être bénéfique pour réduire les comportements inadéquats chez les enfants, sans nuire à leur santé émotionnelle ni à leur relation avec leurs parents.
Si la pratique ne fait pas l’unanimité, aucune étude définitive n’a affirmé qu’elle était bonne ou mauvaise. Alors, mettre son enfant au coin selon vous, bonne ou mauvaise idée ?
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Mettre son enfant au coin : pourquoi cela peut être une bonne idée
Lorsque votre enfant use et abuse de votre patience au point de vous faire perdre votre calme, le mettre au coin semble se présenter comme la bonne solution pour tout le monde. Pour vous, afin de laisser redescendre la pression. Pour lui, afin qu’il s’apaise également.
Mais si c’est une punition qui intervient parce que votre enfant a dépassé les bornes, pour autant, il ne faut pas en arriver là sans une certaine préparation. Paradoxal ? Voici quelques explications.
Expliquer pourquoi il va au coin
On ne met pas son enfant au coin sans explications, sans anticiper cette décision. Bien sûr, ce n’est pas quelque chose qu’on prévoit, mais si vous décidez de le mettre au coin, il faut qu’il sache pourquoi. Cela doit être une réponse à un comportement identifié. Sinon, l’enfant ne comprendra pas forcément ce qui vous a poussé à le punir. Surtout s’il est trop petit pour réfléchir à la situation par lui-même. Et donc il recommencera.
Pour cela, certains parents choisissent de « prévenir » leur enfant. Vous savez, le fameux « si tu continues à, je te préviens que… ». Si cela ressemble à une menace déguisée, voire même à du chantage, n’ayons pas peur des mots, en fait l’important est dans la formulation et dans l’intention.
La bonne formulation
Aussi, plutôt que de lui dire « tu es puni au coin », mieux vaut lui expliquer qu’il va aller réfléchir dans son coin. Par exemple, « tu as dépassé les bornes, je suis vraiment énervée. Tu vas t’asseoir là-bas, te calmer et on en reparlera ensemble après. »
Ainsi, chacun s’apaise de son côté, ce qui est bénéfique pour ne pas crier et s’énerver davantage. Introduire un après est important pour que l’enfant ne se sente pas « désaimé ». On envisage le calme après la tempête, tout simplement.
Pour cela, après la mise au coin, mettez-vous à son niveau et parlez-lui pour comprendre ensemble ce qui a motivé sa mauvaise conduite. Faites-le participer selon son âge et expliquez-lui clairement vos attentes. Trouvez ensemble ce qu’il pourrait faire la prochaine fois si une situation semblable se reproduisait. Et assurez-vous ensuite de vous réconcilier.
Le mettre au coin, mais où ?
S’il y a un endroit à éviter, surtout pour les petits, c’est la chambre et surtout le lit. L’envoyer au coin là-bas, c’est associer son cocon de repos, de sommeil et de jeu à un lieu de punition. Et ainsi, lui créer des angoisses possibles. Comment lui en tenir rigueur ensuite s’il refuse de se coucher ou s’il fait des cauchemars ?
Mieux vaut choisir un autre endroit de la maison où vous pouvez l’entendre et/ou le voir. Le coin n’est pas forcément face à un mur ou derrière une porte. Il faut réfléchir en fonction de votre foyer, cela peut par exemple être derrière le canapé ou la table, tant que c’est évidemment sans danger pour l’enfant et pas aux yeux de tous. Le but n’est pas d’humilier son enfant devant toute la famille.
En effet, pensez la mise au coin non pas comme un lieu d’isolement mais plutôt comme un lieu ouvert de réflexion. Par exemple, « le coin » peut être une chaise ou un coussin de réflexion.
Pour les enfants plus grands, le « va dans ta chambre » est par contre tout à fait indiqué, car cela ne soulève plus d’angoisses relatives au sommeil. Ils savent dissocier la punition de l’endroit où elle se passe.
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Et combien de temps ?
S’il y a bien une chose à retenir, c’est que le temps des enfants n’est pas celui des parents. Si pour vous, 5 minutes ce n’est rien, pour l’enfant cela semble interminable. D’ailleurs, laisser un enfant au coin plus de quelques minutes n’est pas la solution. Le retour au calme se fait normalement assez rapidement, le laisser trop longtemps fait l’effet inverse.
Pour gérer cette notion de durée et qu’il comprenne bien que ce n’est pas un jeu ou une négociation, utilisez le minuteur de la cuisine ou à défaut, l’alarme de votre téléphone. Quand la sonnerie retentit au bout de 2, 5, 7 minutes, c’est que la sanction est levée. Bien sûr, il faut rester ferme. Si l’enfant négocie ou vous nargue, il est important de le reconduire dans le coin et de prolonger si nécessaire.
Mettre son enfant au coin : une tranche d’âge à respecter ?
On ne met évidemment pas un tout-petit de moins de 2 ans au coin, ni un pré-adolescent de 11-12 ans. En fait, cette méthode est la plus « adaptée » aux enfants de 2 à 6 ans environ. Si au-delà, jusqu’à 10 ans, c’est possible, ce n’est pas forcément ce qu’il y a de plus efficace.
Les enfants de 2 à 6 ans sont les plus réceptifs à cette méthode car ils sont dans la fameuse période du « non ». Ils expérimentent l’esprit de contradiction et à tout ce que vous leur demandez, ils vont répondre non. C’est aussi l’âge où ils testent, tapent, jettent, cassent… La mise au coin de façon adaptée est donc la réaction qui semble appropriée face à ce problème précis pour les enfants de cette tranche d’âge.
La mise au coin comme outil de discipline et non de punition
Mettre son enfant au coin, c’est considéré comme une punition. D’ailleurs, dans le langage courant, c’est ainsi qu’on le formule. Et pourtant dans les faits il faut bien avoir à l’esprit que c’est davantage une méthode de discipline pour faire comprendre les choses à son enfant avec bienveillance.
Il ne s’agit pas d’une punition sans explication, toute la nuance est dans « l’accompagnement » de l’enfant. Le but est qu’il comprenne pourquoi il se retrouve au coin, en réaction à une chose précise. Et surtout pas le laisser croire que c’est quelque chose d’irrémédiable ou que de ce fait, il va tout le temps être puni ou que vous l’aimerez moins.
Il faut insister sur le fait qu’aucune méthode de discipline ne doit humilier votre enfant. La discipline ne rime pas avec l’humiliation.
Qu’est-ce qui fait une mise au coin efficace et bienveillante ? Mettre son enfant de 2 à 6 ans environ au coin sans l’isoler quelques minutes, en lui expliquant pourquoi avant et ce qu’on attend de lui après. Ceci permettrait donc de régler un comportement précis dans le but de le faire réfléchir, de revenir au calme et de modifier son comportement.
Etes-vous convaincu ou pensez-vous qu’il y a des arguments tangibles pour dire au contraire que c’est une mauvaise idée ?
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Mettre son enfant au coin : pourquoi cela est une mauvaise idée
Le coin s’appelle aussi mise en retrait. C’est sans doute la méthode disciplinaire la plus utilisée par les parents. Mais pour beaucoup, parents mais aussi pédiatres et psychologues, ce n’est pas une méthode à appliquer. Pourquoi ?
On ne met pas son enfant au coin pour tout et n’importe quoi
Avant toute chose, croire que cet outil de discipline peut être utilisé pour tout est une erreur. La mise au coin doit servir à modifier un comportement précis. Une fois que vous avez identifié ce comportement, vous ne pourrez supprimer les comportements négatifs que si vous appliquez cette pratique pour ce type de comportement. Ainsi, le comportement négatif associé diminuera au fil du temps. Mais c’est évidemment à nuancer selon la personnalité de votre enfant.
Retenez surtout qu’on ne met pas son enfant au coin pour tout, les caprices, les bêtises, les « non », les pleurs, les négociations, etc… Sinon la mise au coin n’aura plus aucune valeur éducative ni de résultat.
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Un faux moment de réflexion
On a vu dans la partie précédente que la mise au coin ne devait pas être considérée comme une punition. Certains l’envisagent comme un outil de réflexion. Mais cette façon de voir les choses est controversée. Pourquoi ?
En toute logique, il ne faut pas confondre ou associer mise au coin et période de réflexion pour les tout-petits. En effet, de 2 à 6 ans, les enfants n’ont pas encore la capacité de réfléchir à ce qui vient tout juste de se produire. Ils sont envahis par leurs émotions et n’ont pas de recul par rapport à la situation.
On pourrait penser que la méthode du retrait est donc plus efficace pour les enfants de 7 à 12 ans qui présentent des problèmes de comportement (opposition, impulsivité, insolence). Mais, dans cette tranche d’âge, force est de constater que le retrait (« va dans ta chambre ») ne fonctionne pas aussi bien que le retrait de privilèges (réduction du temps d’écran, de console, de copains, de foot…).
La mise au coin nourrit un sentiment de rejet et de désamour
Dans la plupart des cas, la première conséquence de la mise au coin est l’isolement. Elle enseigne aux enfants qu’ils seront forcés à rester seuls quand ils font une erreur ou quand ils connaissent un moment difficile. Et cela peut conditionner leur vision des choses par la suite. D’ailleurs, l’isolement généralement associé à la mise au coin est souvent vécu comme un rejet, particulièrement chez les plus jeunes. Le coin fait croire aux enfants qu’ils ne sont dignes d’intérêt que quand ils sont tranquilles et sages, que les parents n’acceptent d’être là avec eux et pour eux que dans ces conditions.
Donc ils vont penser que dès qu’ils se trompent, crient, pleurent ou font une bêtise, on va les mettre à l’écart, les rejeter et moins les aimer, voire même les désaimer. On l’a vu, les enfants n’ont pas encore le recul nécessaire face à leurs émotions pour comprendre que la mise au coin est une réponse à une situation à un instant T uniquement. Pour eux, c’est forcément une preuve de désamour.
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Mettre au coin son enfant : malmener ses émotions ?
Quand les enfants sont submergés par leurs émotions, ils ont tendance à se comporter de manière inappropriée : leur comportement masque leur besoin initial. L’expression d’un besoin ou d’un sentiment intense débouche alors sur une attitude agressive, irrespectueuse ou non coopérative… Mais celle-ci est simplement la preuve que l’enfant n’a pas encore construit ses capacités à s’auto-réguler.
Les comportements inappropriés sont souvent des tentatives de communication de l’enfant envers l’adulte pour que ce dernier l’aide à se calmer. Quand la réponse parentale est d’isoler l’enfant, un besoin instinctif et physiologique de l’enfant n’est pas comblé. Pire encore, cela engendre des émotions négatives et occasionne un mal-être.
Isolement et stress
Cette mise à l’écart forcée d’un enfant est une forme de « violence psychologique » qui augmente le niveau de stress de l’enfant car il est privé temporairement de l’attention et de l’amour de ses parents, ce qui provoque la sécrétion de cortisol, l’hormone du stress.
Déficit d’estime de soi
Du point de vue psychologique, l’isolement abîme l’image de soi et donc l’estime de soi car l’enfant en vient à se dire qu’il est mauvais. Cette estime personnelle, lorsqu’elle est déficiente, a des conséquences négatives sur la prise d’initiative, la sociabilité, la confiance en soi et peut laisser émerger de l’agressivité et des troubles du comportement (réflexes de défense) sur le long terme.
L’enfant va taire ses émotions
Si l’enfant en vient à croire et donc à associer qu’on l’isole quand il est submergé par ses émotions, alors il va développer une croyance limitante. Il va croire que c’est de sa faute et ainsi apprendre à enfouir ses émotions, comprenant qu’elles ne sont pas normales ou acceptables par les autres. Ceci aura plusieurs effets négatifs :
- L’accumulation de ses émotions qui pourront « exploser » d’un coup ou souvent tant que l’émotion d’origine n’aura pas été accueillie
- Le blocage de ses émotions qui seront à l’origine de maux physiques et mentaux (cauchemars, insomnies, anxiété, dépression)
- L’inaptitude de l’enfant à prendre des décisions censées
Le retrait ou la mise au coin, une méthode éducative inefficace
Si on en reste aux considérations pratiques, pour beaucoup, la mise au coin est tout simplement inefficace dans sa dimension disciplinaire : celle de changer les comportements.
Certains parents pensent que cette forme d’isolement calme les enfants et les fait réfléchir à leurs actes. Mais la plupart du temps, le coin et l’isolement suscitent la colère chez les enfants qui se trouvent alors encore plus submergés d’émotions incontrôlables. Dans ces conditions, ils ne peuvent pas s’auto réguler, ni penser à ce qu’ils ont fait de mal mais ils vont plutôt ruminer et se dire que leurs parents sont méchants de les avoir punis.
Nourrir ce sentiment d’injustice et ruminer sa colère ne permettra pas à l’enfant de développer ses capacités d’empathie ou de résolution de problèmes de manière calme, réfléchie et non violente.