Comme beaucoup, j’ai découvert Leïla Slimani et sa plume à travers son roman Chanson douce qui a reçu le prix Goncourt en 2016 et qui m’avait bouleversée. Son premier roman, Dans le jardin de l’ogre m’a également pas mal secouée avec pourtant une thématique bien différente mais très peu traitée dans la littérature : l’addiction s.e.x.u.e.l.l.e.
Dans le jardin de l’ogre de Leïla Slimani : Résumé
« Une semaine qu’elle tient. Une semaine qu’elle n’a pas cédé. Adèle a été sage. En quatre jours, elle a couru trente-deux kilomètres. Elle est allée de Pigalle aux Champs-Élysées, du musée d’Orsay à Bercy. Elle a couru le matin sur les quais déserts. La nuit, sur le boulevard Rochechouart et la place de Clichy. Elle n’a pas bu d’alcool et elle s’est couchée tôt.
Mais cette nuit, elle en a rêvé et n’a pas pu se rendormir. Un rêve moite, interminable, qui s’est introduit en elle comme un souffle d’air chaud. Adèle ne peut plus penser qu’à ça. Elle se lève, boit un café très fort dans la maison endormie. Debout dans la cuisine, elle se balance d’un pied sur l’autre. Elle fume une cigarette. Sous la douche, elle a envie de se griffer, de se déchirer le corps en deux. Elle cogne son front contre le mur. Elle veut qu’on la saisisse, qu’on lui brise le crâne contre la vitre. Dès qu’elle ferme les yeux, elle entend les bruits, les soupirs, les hurlements, les coups. Un homme nu qui halète, une femme qui jouit. Elle voudrait n’être qu’un objet au milieu d’une horde, être dévorée, sucée, avalée tout entière. Qu’on lui pince les seins, qu’on lui morde le ventre. Elle veut être une poupée dans le jardin de l’ogre. »
Dans le jardin de l’ogre de Leïla Slimani : Mon avis
L’histoire
C’est l’histoire d’Adèle. Aux yeux de tous, elle semble être une femme plutôt timide avec une vie familiale ordinaire. Adèle s’est marié à Richard, un médecin, avec lui ils ont eu Lucien. Mais ça, ce n’est que la façade, une façade qu’Adèle s’est habillement construite pour avoir une respectabilité et un refuge sécurisant une fois ses pulsions assouvies. Car Adèle est malade. S.e.x.u.e.l.l.e.m.e.n.t malade. Elle est accro, addict. C’est une nymphomane. Un mal-être profond la ronge, elle a besoin de se faire prendre, de se faire cogner même, elle recherche la violence, la brutalité, elle a besoin qu’on comble chaque vide en elle. Peu importe si les hommes sont beaux, moches, gros, maigres, jeunes, vieux, elle a un besoin viscéral de plaire et d’aller jusqu’au bout.
Mon avis
Le sujet est finement traité. On retrouve chez Adèle cette ambivalence qu’on avait chez Louise dans Chanson douce. Leïla Slimani parvient à traiter avec justesse le sujet de la nymphomanie à travers ce personnage dont la vie est littéralement gâchée par des pulsions et un désir insatiable. La détresse d’Adèle est palpable mais le personnage attire tantôt l’empathie tantôt la colère. Car ces pulsions incontrôlables poussent Adèle à délaisser son mari même dans les moments les plus difficiles et surtout, son fils, qui n’est encore un bébé et qu’elle n’hésite pas à faire garder des heures voire des jours entiers pour retrouver des hommes dans des hôtels.
Un roman sombre et déroutant sur une vie brisée par l’addiction et les pulsions. Rempli de souffrances et de mal-être profond.
Bémol :
La fin ouverte qui, je pense, aurait mérité d’être davantage creusée.
Commander Dans le jardin de l’ogre :
Quelques extraits :
Les justifications nourrissent les soupçons.
Elle connaît ce corps et ça la contrarie. C’est trop simple, trop mécanique. La surprise de son arrivée ne suffit pas à sublimer Adam. Leur étreinte n’est ni assez obscène ni assez tendre. Elle pose les mains d’Adam sur ses seins, essaie d’oublier que c’est lui. Elle ferme les yeux et s’imagine qu’il l’oblige.
Les gens insatisfaits détruisent tout autour d’eux.
Adèle a fait un enfant pour la même raison qu’elle s’est mariée. Pour appartenir au monde et se protéger de toute différence avec les autres. En devenant épouse et mère, elle s’est nimbée d’une aura de respectabilité que personne ne peut lui enlever. Elle s’est construit un refuge pour les soirs d’angoisse et un repli confortable pour les jours de débauche