Qui n’a jamais souffert d’un chagrin d’amour ? Parfois, la douleur est si forte qu’elle semble prendre toute la place. On pense que rien ne pourra nous soulager de cette peine de cœur, qu’elle est insurmontable et qu’on ne s’en remettra jamais. Pourtant, on sait qu’on n’est pas malade mais la tristesse est telle que même le corps réagit. Insomnies, fatigue, angoisses, crises de larmes, manque d’appétit, migraines, déprime et parfois état dépressif. Le cœur souffre au sens figuré, pourtant il semble réguler notre état physique et émotionnel au sens propre. Ce n’est pas pour rien qu’on parle du syndrome du cœur brisé dans les cas de ruptures amoureuses particulièrement douloureuses. Face à cette réalité, un médecin canadien a fait des recherches. Et il pense avoir trouvé un médicament capable de soigner les chagrins d’amour. Info ou intox ? Soulager les peines de cœur avec une pilule, c’est ce qu’envisage ce médecin. Explications.
Un médicament capable de soigner les chagrins d’amour ? C’est ce qu’envisage ce médecin
Le syndrome du cœur brisé : qu’est-ce que c’est ?
A la suite d’une séparation ou d’un divorce particulièrement difficile, votre monde s’est écroulé. Vous n’avez rien vu venir, vos sentiments sont encore forts, vous ne parvenez pas à vous projeter sans l’autre. C’est toute votre vie qui est remise en question et vous ne savez pas comment vous allez faire. Comme pour beaucoup de personnes, il est probable que vous souffriez du syndrome du cœur brisé.
Aussi appelé « Tako-Tsubo », ce syndrome a été découvert dans les années 90′. Selon une étude menée par des chercheurs de l’université d’Aberdeen, il affaiblirait réellement le cœur dans la durée. Est-ce à dire que la maladie d’amour existe vraiment et que notre corps peut souffrir d’un chagrin d’amour ?
Un choc émotionnel intense
C’est un syndrome cardio-vasculaire, qui peut être déclenché par un choc émotionnel et/ou un épisode de stress intense. Il se caractérise par une sensation d’oppression et des angoisses répétées.
On considère qu’une rupture amoureuse soudaine et/ou violente s’apparente à un choc émotionnel et peut placer la personne qui en souffre dans un état de choc post-traumatique, au même titre que des soldats ou des victimes de catastrophes.
C’est fort de ce constat qu’un médecin canadien pense avoir trouvé une solution médicale au chagrin d’amour perçu comme choc émotionnel.
La théorie du docteur Alain Brunet
Interviewé par Le Parisien, le Docteur Alain Brunet, du département psychiatrique de l’Université McGill de Montreal, spécialiste dans le développement de traitements du syndrome de stress post-traumatique, a eu l’idée d’utiliser un médicament chez des patients qui souffrent d’un chagrin d’amour intense.
Il pense pouvoir s’en servir en l’associant à une thérapie qui atténue l’impact des mauvais souvenirs. Sa prescription serait réglementée dans le cadre d’un suivi médical et psychologique.
Le nom du médicament le Propranolol. Son surnom : la pilule de l’oubli
A l’origine, le Propranolol est un médicament dit « bêta-bloquant » capable de réduire la fréquence cardiaque et la pression artérielle. Ce traitement soigne donc les pathologies cardiaques, l’hypertension ainsi que les fortes migraines.
Mais dans les années 2000, des chercheurs réalisent que ce médicament est efficace dans le traitement du stress post-traumatique, notamment chez les vétérans de guerre, les soldats de retour du front et les victimes d’attentats terroristes.
En France, il a récemment été utilisé pour les psychothérapies mises en place après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris dans le cadre d’un essai clinique au sein de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris.
Comment fonctionne ce médicament capable de soigner les chagrins d’amour ?
D’après Alain Brunet, le Propranolol serait donc capable d’aider les psychothérapies et de soulager le traumatisme causé par une rupture amoureuse.
Son travail consiste en une « thérapie de reconsolidation »
Elle a pour but d’extraire la douleur d’un souvenir associé à un traumatisme. Sa méthode est l’utilisation du Propranolol dans le cadre d’une thérapie réalisée par un psychiatre ou un psychologue formé dans le traitement des états de choc post-traumatiques.
Une heure avant la séance, le patient prend le médicament. A l’heure du rendez-vous, replongé dans son souvenir, il va pouvoir l’écrire de façon détaillée avant de le lire ou le raconter à haute voix de façon encadrée. Entre temps, le médicament a eu le temps d’agir, le patient est moins stressé, et le souvenir peut être maîtrisé en passant de la mémoire de court terme à celle de long terme.
La mémoire est en effet divisée en deux parties : l’aspect factuel du souvenir est retenu dans l’hippocampe, l’aspect émotionnel dans le complexe amygdalien. C’est sur ce dernier aspect qu’agit le propanolol, en inhibant l’amygdale et donc en bloquant le caractère émotionnel du souvenir.
Ainsi, le patient revit son souvenir en étant coupé de l’émotion qui y était attachée. Cela n’a pas vocation à supprimer le souvenir, mais plutôt à l’alléger émotionnellement. Il ne s’agit pas de trafiquer la mémoire du patient mais de détruire l’intensité émotionnelle négative liée à un choc passé.
Ainsi, au fur et à mesure des séances, il le réactualise et le sauvegarde dans son cerveau de façon édulcorée. Et la douleur associée au choc émotionnel diminue.
Qui aurait besoin de cette méthode particulière ?
Il ne s’adresse pas aux peines amoureuses qui s’oublient en un mois à coup de gueule de bois avec les potes ou de soirées pyjama avec chocolat et pot de glace. Non, il s’agit d’aider les personnes pour qui la rupture a totalement bouleversé leur vie (trahison, double vie, peur d l’abandon…) créant un véritable état de choc émotionnel et même physique.
Selon Alain Brunet, les patients concernés seraient ceux qui ressentent des envies frénétiques de pleurer, des nausées et un état de détresse émotionnel important.
Un remède miracle ?
Si on parle du traitement sur les personnes souffrant de stress post-traumatique, cette technique a fait ses preuves sur 70% de ses patients selon le médecin. C’est fort de ces résultats et de cette conviction qu’il a décidé de l’appliquer aux cœurs brisés. Il pense que sa méthode peut agir de la même manière sur un choc émotionnel dû à un chagrin d’amour intense.
« Le chagrin d’amour, cela a l’air léger. Et pour cause, il ne présente pas de menace vitale. Mais si certaines personnes réagissent bien, pour d’autres, le sol se dérobe sous leurs pieds. Il peut alors engendrer un trouble de l’adaptation, au même titre que le stress post-traumatique. Ce sont des pensées répétitives, une envie dévorante de pleurer, des nausées, de la détresse. C’est à ces patients que la thérapie s’adresse », affirme le médecin.
Pour ses recherches, il s’est intéressé à des cas d’infidélité ou d’abandon soudain, provoquant un état de choc chez les personnes en souffrance amoureuse encore des années après les faits. Et selon lui, les résultats sont positifs. Il veut ainsi élargir sa méthode associant Propranolol et thérapie de consolidation aux cœurs brisés. Après un traitement de quatre à six semaines, les symptômes s’améliorent d’à peu près 60 % selon le professeur.
D’ailleurs il a ouvert sa clinique à Montréal fin 2020. Et il forme depuis 2019 des médecins français afin qu’ils utilisent sa méthode pour soigner les cœurs brisés en France. A suivre donc ?