Lettre écrite sur commande pour une femme qui a tout quitté pour un homme : sa famille, son pays, ses amis. Il s’agit d’une lettre « d’avertissement » car cet homme la fait souffrir et la maltraite moralement et même, parfois, physiquement. Nous appellerons ce dernier Matthieu.
Matthieu,
J’ai tout quitté pour toi : je me retrouve là ; femme perdue, échouée sur un continent qui n’est pas le mien, échouée par amour, secouée par les vagues houleuses de cet amour destructeur. Je ne respire plus, je suis sans cesse en apnée, je ne peux me redresser : chaque fois que je tente de me relever, la tempête inonde mon corps et mon cœur. Et je ne sais même pas comment je parviens encore à survivre.
J’étais tellement amoureuse de toi, je suis encore sous l’emprise de ton poison, je t’aime malgré moi, malgré ma souffrance. J’ai tendance à toujours écouter mon cœur plutôt que ma raison. Je suis sûrement déraisonnée de toute façon. Comment puis-je aimer un homme qui me blesse constamment ? Et toi, comment peux-tu être si différent de celui que j’ai rencontré il y a déjà plus de deux ans ? Nous riions sur skype, nous étions attirés comme des aimants, nous nous aimions comme des amants, j’ai découvert les plaisirs de la sexualité dans tes bras… Et maintenant, qu’ai-je en retour ? Un homme qui préfère passer son temps avec ses amis plutôt que près de moi, un homme-enfant accro à sa PlayStation, qui ne me voit même plus, accro au poker et aux sites de rencontres alors que sa femme ferait tout pour lui, pour qu’il lui accorde ne serait-ce qu’un peu d’attention. Je souffre Matthieu, tu ne comprends pas que j’ai mal ? Que mon cœur saigne chaque jour ? Que je me lève le matin, une boule nouée dans l’estomac ? Je suis hantée par la peur ! Tu n’as jamais été là pour me rassurer, jamais été là pour me faire sourire, me faire sentir belle, me faire sentir femme.
Te souviens-tu de cette fois où j’ai voulu te faire une surprise et que, pour ce faire, j’avais prétexté un faux départ à l’île Maurice? Te souviens-tu de ce que tu as alors fait ? Tu m’as dénigrée, tu m’as salie : tu as porté atteinte à ma réputation, inventant tout un tas de saloperies sur moi, et balançant ça à tes proches. Mais pourquoi ? Qu’ai-je fait pour mériter pareil traitement ? Sans parler de ton troisième profil que j’ai découvert sur Adopteunmec. Tu imagines si tu découvrais mon visage sur un de ces sites de rencontres ? Je crois que tu me tuerais, littéralement ! Et moi, je me tais. Je me contente de pleurer en silence et d’espérer que ce ne soit qu’un mauvais rêve.
Malgré tout, je t’aime. Oui je t’aime. Mais la confiance est totalement brisée. Ta famille et tes amis me détestent et je ne sais même pas quelle est la raison de ce mépris. Ils remettent même en doute ma nationalité, tu te rends compte du mal que cela peut me faire ? Derrière mon dos, je sais parfaitement que, pour eux, je suis la «mytho » et la « cocue ». Je veux bien croire que je suis la cocue tu me diras… Tu ne vois pas que j’accepte tout de toi ? Que je suis totalement soumise à chacune de tes volontés ? Ne vois-tu pas que je n’ouvre jamais la bouche ? Rappelle-toi ce jour où tes amis m’ont traitée de pute, devant toi. Et que j’ai ravalé ma fierté pour toi, que j’avais envie de m’enterrer, de creuser un trou, de ne plus jamais voir le jour. Et où tu ne disais rien, c’était comme un film où tu n’étais qu’un simple figurant. Alors que tu aurais dû être l’acteur principal, le héros qui vient défendre sa bien-aimée. Mais suis-je ta bien-aimée ?
Encore une fois, je t’aime. Je ne sais pas pourquoi, vraiment. Mais mon cœur ne se détache pas de ton visage, de ton corps, de ton âme. Mais je ne supporte plus ce côté macho que tu arbores fièrement. Tu as levé la main sur moi, ce soir où tu avais trop bu et où tu voulais « m’encastrer dans le mur ». J’ai eu peur ce soir-là, je n’avais aucun refuge, aucun endroit où aller, personne à qui parler. Et une fois de plus, je me suis tue.
Ton incompréhension me sidère : remémore-toi tout ce que j’ai fait pour toi, tout ce que j’ai laissé derrière moi pour ta petite personne. Et en parallèle, tout le mal que tu me fais endurer. Tu en profites car tu sais que je n’ai que toi ici, et que toi, tu as tout : ta famille, tes amis, ton pays. Moi, je n’ai rien, je suis perdue. J’espère que tu sauras lire à travers les lignes et que tu comprendras enfin que ton comportement envers moi est inadmissible. Mes sentiments sont toujours présents mais je te le dis : je ne supporterai plus longtemps cette indifférence et cette incompréhension à mon égard. Si tu ne fais aucun effort, tu me perdras, définitivement.