Ce n’est pas la première fois que j’entendais Peggy Sastre à la radio et j’ai eu envie de me procurer son livre Comment l’amour empoisonne les femmes. Et je ne fus pas déçue, bien au contraire ! J’ai trouvé ce livre intéressant notamment parce qu’il s’appuie sur des chiffres et que c’est rare quand on traite d’un tel sujet. Avec l’amour, on a tendance à trop souvent faire de la « psychologie », de la « sur-analyse » et c’est bien normal puisqu’il n’y aucune vérité. Pourtant, s’appuyant sur des chiffres, cette chercheuse en philosophie, spécialiste de Darwin, nous dévoile une nouvelle facette de l’amour.
Comment l’amour empoisonne les femmes : Résumé
Sous nos latitudes, et depuis un petit siècle, les femmes ont progressivement acquis le droit de travailler, de voter, de faire ou non des enfants, de disposer de leur corps et de leurs ressources matérielles. Bref, la libération féminine a eu lieu, les femmes se sont, paraît-il, émancipées…
Sauf que, dans un monde qui traque les différences sexuelles, notamment toutes les émanations du » plafond de verre » empêchant les femmes d’atteindre, en proportions équivalentes aux hommes, les positions sociales les plus élevées, les plus valorisées ou encore les plus gratifiantes, il est un élément qu’à peu près personne n’a la présence d’esprit d’interroger. Ce grand absent du débat sur les obstacles que les femmes doivent surmonter pour espérer prospérer comme certains de leurs homologues masculins, c’est le boulet amoureux.
Un boulet conglomérant l’amour, le bonheur familial, la réussite conjugale ; toutes ces notions dont se gargarisent une énorme majorité de femmes lorsqu’elles font la liste de leurs priorités existentielles. Comme si la normalité, quand vous êtes dotée d’ovaires, était de mettre l’amour en tête de votre liste et au coeur de votre quotidien. D’investir un temps et une énergie incroyables à la tenue de ce poste budgétaire vital. Et de souffrir le martyre quand le retour sur investissement en vient à trahir vos espérances. Toute déviation de cette norme, toute trajectoire alternative seront vues d’un sale oeil, a fortiori par un point de vue féminin.
Le problème, c’est que l’amour, quand il vire au toxique, est autant la justification des hommes qui battent que des femmes battues qui restent. Il est le prétexte totalitaire et indépassable des accès de folie, des meurtres passionnels, des tortures conjugales, des truanderies affectives. Il est le carburant des crimes d’honneur, des mutilations génitales, de l’obsession de la virginité et de l’injonction à la pudeur. Il ceint d’explosifs la taille des veuves noires de Tchétchénie, fait partir Monique Fourniret à la chasse aux vierges, allume l’ordinateur de Valérie Trierweiler.
Telles des chiennes de Pavlov, les femmes ont été conditionnées à saliver face à l’amour en tant qu’indice d’engagement. Au seuil de sélectivité sexuelle très bas des hommes répond un seuil de sélectivité affectif tout aussi faible chez les femmes : mieux vaut s’accrocher à n’importe quoi que de risquer de n’être accrochée par rien.
Le temps semble venu de faire perdre à l’amour ses lettres de noblesse.
Comment l’amour empoisonne les femmes : Mon avis
C’est un livre « dur » pour celles qui croient dur comme fer à l’amour, au grand amour, qui ont pour but principal ce Graal sentimental. Et j’en fais certainement partie. Pourtant, ça fait du bien de comprendre notre fonctionnement, de prendre du recul sur la chose. Je suis en train de lire un autre livre qui semble avoir le même objectif que celui-ci, à savoir « faire perdre ses lettres de noblesse à l’amour ». Il s’agit du livre « l’amour à l’épreuve du temps » écrit par un psychiatre étonné qu’au cours de ses 20 dernières années de pratique, ses patients ne lui parlent presque plus que d’amour. Comme si l’amour était au centre de tout.
Et non. Il ne l’est pas. Il ne doit pas l’être.
Ce livre est très documenté, parle beaucoup « chiffre » et, si cela peut déplaire à certain(e)s, j’ai, pour ma part, aimé ce côté « scientifique » qui change vraiment de ce que l’on a l’habitude de lire sur le sujet. On pourrait dire que le livre manque d’ouverture. En le refermant on peut se dire : ok, tout est histoire d’hormones, je suis foutue.
Mais je ne crois pas que c’est ainsi qu’il faille le lire. Peggy Sastre prend le contre-pied de tout ce que l’on peut trouver actuellement sur le sujet (et notamment tout ce qui est « développement personnel » « trouver sa voie intérieure… ».
Je pense qu’il faut le lire avec un certain recul et se faire son avis. Je ne suis personnellement pas d’accord avec tout ce qui y est écrit mais j’ai néanmoins trouvé la démarche appréciable et percutante.
J’avoue que la partie sur la différence homme/femme concernant les enfants m’a donné mal au ventre tellement ce que j’entends et ai vécu s’en rapproche. Mais disons-le, ça fait clairement peur ! « En tendance, les mères parlent du temps passé avec leur enfant en termes positifs, les pères en termes négatifs ».
Comment l’amour empoisonne les femmes : Quelques extraits
« On sait, par exemple, que lorsque l’amour ne pose pas de problème, il n’y a quasiment rien à en dire, tant tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. On sait, en revanche, que lorsque l’amour vire au toxique, il peut pousser aux plus insensés des sacrifices et aux compromis les plus absurdes. Que l’on peut tuer ou se tuer par amour. (…) Ou que l’on peut se faire tabasser la gueule « parce que le reste du temps, je te jure, il est adorable ».
« Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais les gens amoureux sont toujours persuadés d’avoir trouvé la perle rare. C’est encore plus manifeste dans les mariages, au moment du discours du ou de la marié(e) : on s’émeut d’être tombé sur le meilleur des hommes, la meilleure des femmes. Qu’est-ce qu’on a eu de la chance dites-donc et on martèle l’extraordinaire à coups d’anecdotes qui feront s’humidifier les kleenex. Le problème, c’est que la chose est statistiquement impossible : tout le monde ne peut pas vivre en couple avec un conjoint de premier choix. Il n’empêche : notre cerveau a évolué pour nous en persuader, histoire que nous mettions toutes les chances de notre côté. »
« (…) Il n’y a rien de magique dans l’amour. Qu’importe que vous soyez persuadé d’avoir trouvé l’âme soeur – ou que l’homme ou la femme « de votre vie » vous attend quelque part, bien rangé sur l’escalator de la destinée-, la réalité est la suivante : au coeur de vos cellules, et notamment celles qui se cachent sous votre boîte crânienne, l’amour est une variation des liens qui se sont tissés entre vous et vos parents quand vous étiez nourrisson. »
« C’est prouvé : dans sa forme romantique, l’amour peut être réellement addictif. Dans un sens étroit, il l’est, parce que l’amour est capable de générer des sentiments et des comportements extrêmes induisant une altération, voire une abolition du discernement. »
« Un dernier rappel : les principaux « intérêts » de l’amour au regard de l’évolution ont été d’améliorer le succès reproductif et l’investissement parental. Mais faire des enfants et s’assurer qu’ils puissent à leur tour perpétuer leurs gènes prend beaucoup moins de temps que ce que l’on peut aujourd’hui considérer comme idéal pour une vie à deux. Ce décalage, au cœur de bien des « maladies d’amour » contemporaines, pousse à se poser cette ultime question : en soignant ces dernières, aurons-nous seulement encore envie de nous reproduire ? »
(J’en aurais eu bien d’autres à mettre mais ce serait trop long !). Pour vous le procurer, c’est ici !