D’amour et d’eau salée

Dites-le avec une lettre

Il y a des choses qu'on aimerait pouvoir écrire... Mais on ne sait pas toujours par où commencer, comment trouver les bons mots, véhiculer la bonne intention. Aujourd'hui, on vous aide à vous lancer et envoyer la lettre parfaite:
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« Je, est malheureux » extrait de mon recueil de nouvelles « D’amour et d’eau salée »


Yann Tiersen-Le fabuleux destin d’Amélie poulain (piano solo) by Aldebaran333

Bus 33. Il pleut. J’observe les gouttes d’eau s’écraser violemment contre la vitre, je les imagine faire la course, comme quand j’avais cinq ans. Elles dégoulinent sur le carreau, comme des larmes sur un visage. Cette vitre semble si triste. J’y aperçois mon reflet. Mon visage est alors couvert de pluie. Je me revois hier. Je n’arrête pas d’y penser. Je n’arrive plus à respirer, je sens l’angoisse monter. J’ai mal. Mal au ventre qui se noue, mal aux jambes qui se tendent, mal aux doigts qui se crispent, mal à la gorge qui se tort. Je transpire, j’ai chaud. J’ai trop chaud. De l’air, apportez-moi de l’oxygène. Je suis un poisson dans un bus terrien, vous voulez vraiment que je crève ? Les perles de sueur s’écoulent dans mon dos telle une cascade visqueuse. Mon décolleté est trempé, mes tempes humides. Pour un poisson dans l’air, on pourrait croire que j’ai ma dose d’eau. J’aurais tellement voulu qu’il me rattrape, qu’il prenne ma main et me supplie de ne pas partir. Il y en a qui font des kilomètres pour se retrouver. Toi, t’as même pas été foutu de descendre les escaliers pour me récupérer. J’aurais tellement voulu que tu m’aimes, que tu ne puisses pas te passer de moi. T’attendais que ça, lâche, que je parte. A vingt-huit ans, ne pas être foutu de me regarder en face et de me balancer que je ne te plais plus, que j’ai pris quelques kilos, que mes angoisses te font peur et t’agacent, que tu n’arrives pas à t’imaginer avancer auprès d’un légume à moitié schizophrène, comme si un légume pouvait être schizophrène d’ailleurs. C’est vrai, je vais mal. N’y a-t-il que moi qui suis sous l’emprise de névroses handicapantes ?

  • Je m’en vais.
  • Je souffre trop de ton indifférence. Je souffre trop de notre évolution. La courbe décroissante de notre relation est en parfaite harmonie avec la crise que traverse notre pays. Tu m’écoutes ? Bien sûr que non, tu ne m’écoutes pas. Tu ne m’as jamais écoutée, tu t’es mis avec moi parce que je suis la seule cruche qui ait bien voulu d’un gamin bordélique et macho, d’un petit bourge radin jusqu’aux dents incapable d’exprimer le moindre sentiment. Cinq ans qu’on est ensemble, et pas une seule fois tu n’as proposé qu’on vive sous le même toit. T’en n’as jamais rien eu à faire de moi. Tu m’as toujours délaissée, tu ne m’as jamais fait sentir que j’étais importante à tes yeux. J’ai tout fait pour te rendre heureux, tout ! Et toi, toi… tu ne vois rien, tu ne fais rien, tu laisses couler. Antoine putain, mais dis quelque chose !
  • Que veux-tu que je te dise ? Tu es hystérique. Regarde-toi, tu fais peur à voir.

Mon visage s’était mécaniquement tourné vers le miroir. C’est vrai que je faisais peur. Ma bouche était crispée, comme si je venais d’étrangler un être humain. Je ressemblais à un zèbre, un vilain zèbre qui aurait hérité de rayures difformes. Le mascara n’est pas toujours le meilleur ami des femmes comme on peut le prétendre. J’étais peut-être hystérique. Mon cœur se pressait comme un citron, on aurait dit qu’Antoine avait toujours eu pour ambition de me broyer pour faire jaillir mon jus d’émotion jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une écorce, un coffre qu’il aurait soigneusement vidé de tous ses trésors. J’avais si mal. Ses mots, son indifférence, son regard désabusé qu’il posait sur moi comme un flingue sur ma tempe…Putain Antoine, dis-moi que tu m’aimes, dis-moi que tu ne peux pas vivre sans moi. Je n’peux pas vivre sans toi, moi. Me laisse pas, rattrape-moi, je t’en supplie. Regarde-moi, rappelle-toi, ne nous abandonne pas. Ça peut pas finir comme ça, c’est pas une rupture ça, c’est une cassure, une fissure, ça se recolle. Avec un peu de colle et du scotch ça pourra faire l’affaire. Non ? Antoine, lis dans mes pensées, entre dans mon cœur, je te l’ouvre, entends-moi, regarde-moi.

Mon corps tremblait. Les mots ne sortaient pas.

Je suis conne, un peu névrosée, c’est vrai, mais on l’est tous. Comment pouvait-il me faire ça ? Notre histoire a connu des hauts et des bas, comme toutes les autres j’imagine. Et, hier, à ce moment précis, tout le négatif était loin, très loin derrière moi. Je ne cessais de me remémorer les bons moments que nous avions vécus. Les images défilaient. Notre rencontre aux étangs de Comelle, cet endroit magique que des amis m’avaient conseillé. J’avais maladroitement glissé dans l’eau en tentant d’attraper un coquillage. Il m’avait alors aidée à me relever. Un fou-rire avait sonné le début de notre amour. Hier, mes cris en sonnaient la fin.

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