Je te voyais déjà en Marius et moi en Fanny. Sauf que toi, tu n’as aucune envie de partir. Et que moi, j’ai la possibilité de partir avec toi. Faut-il tout abandonner? Repartir à zéro? Ou plutôt commencer de zéro. Je n’aurais plus rien, je n’aurais que toi. Est-ce que cela suffira?
Si je me fie à tes yeux bleus, à tes cils d’enfant, tes grimaces d’enfant… à l’odeur de ta peau, qui me fait me sentir chez moi, à tes bras forts qui me serrent contre toi, alors oui, cela suffira. Je n’aurais plus jamais à subir ton absence et cette sensation de vide qui pèse sur ma poitrine à chaque fois que tu t’en vas. Plus jamais, ce sentiment écrasant qui nous a fait pleurer comme des gosses.
Quoi qu’il advienne, ce petit cocon que nous avions construit, et que je n’ai jamais su apprécier à sa juste valeur, sera détruit aussi vite qu’il a vu le jour. Mais je t’aurai toi. J’aurai ta maturité, tes gamineries, tes cheveux tous doux, tes coups de sang, tes éclats de rire d’adolescent.
Parce que tu n’es pas Marius et que je ne suis pas Fanny, la situation n’a rien de véritablement dramatique. Du moins aux yeux des autres. Ils disent que nous avons l’avenir devant nous, que nous sommes pleins de ressources. Des solutions sur pattes, quoi. Mon univers qui s’écroule, ils ne comprennent pas. Mais je t’aurai toi. Est-ce que cela suffira?
Il paraît que lorsqu’on prend ce genre de décision par la force des choses, il n’advient jamais rien de bon. Et les exemples ne manquent pas autour de moi. Dis-moi que nous deux c’est différent, comme dans une de ces comédies romantiques irréalistes. Dis-moi que sans moi tu n’y arriveras pas, que je n’ai pas le choix. Sauf que ce choix, ce sera à moi de le faire.
Parce que tu n’es pas Marius et que je ne suis pas Fanny, on peut encore éviter de tout gâcher. Aucune fatalité, pas d’appel de la mer pour régir notre vie. Du moins je crois. Nous ne sommes pas dans un livre. Nous ne sommes pas dans un film. Si je te dis que je t’aime, comme je n’ai jamais aimé avant, crois-tu que cela suffira?