En France, 10 à 20 % des mères sont touchées par une dépression post-partum dans les semaines qui suivent l’accouchement. Pourtant le sujet est tabou. À 42 ans, Christelle a fait une dépression post partum après la naissance de son deuxième enfant. La mère de famille nous confie son témoignage honnête et touchant, pour briser les tabous et libérer la parole autour de ce sujet !
Dépression post partum : Le témoignage de Christelle
J’ai d’abord eu une fille à 20 ans, que j’ai failli perdre à cinq mois et demi de grossesse car mon col de l’utérus s’était ouvert. Son père était un homme violent, j’ai réussi à fuir avec ma fille sous le bras quand elle avait cinq ans. Nous avons ensuite vécu seules toutes les deux pendant 12 ans, une période plutôt traumatisante. À ce moment-là, ma fille a développé une phobie de l’école, puis sociale. Elle a été victime de harcèlement scolaire et a dû être hospitalisée à la Maison de Solène à Paris pendant une semaine, entraînant sa déscolarisation.
Des années plus tard, j’ai trouvé le courage de m’ouvrir à un autre homme alors que ma fille avait 17 ans et moi 38 ans. 4 ans plus tard, nous avons alors décidé d’avoir un enfant. Tout était en ordre dans ma tête, pour moi, cet enfant, c’était une sorte de réparation de tout ce que j’avais vécu.
Je suis rapidement tombée enceinte et j’ai alors appris que j’attendais un garçon. J’étais tellement heureuse ! Trois jours seulement après sa naissance, alors que je m’apprêtais à quitter l’hôpital, j’ai pourtant commencé à souffrir d’une dépression post-partum. Une dépression qui a duré près de deux ans.
Chaque matin, un sentiment d’abandon d’une telle puissance s’emparait de moi quand mon mari partait travailler. Je passais mes journées à pleurer. Et chaque nuit, le même cauchemar se répétait : mon fils tombait et je parvenais à le rattraper à temps. Je n’arrivais pas à l’appeler par son prénom, je l’appelais « petit bébé ». Je me sentais tellement incapable de m’en occuper. J’avais l’impression d’avoir ruiné sa vie et la mienne. Il pleurait constamment car il avait des reflux gastriques. Les 4 premiers mois, j’ai dû appeler 3 fois mon mari au travail, pour qu’il rentre d’urgence car j’avais envie de lancer notre fils contre le mur ou de partir pour toujours…
À l’âge de quatre mois et demi, alors que mon fils pleurait, j’ai été submergée par une pulsion. Remplie de colère, je me suis levée du canapé avec l’intention de le frapper. Heureusement je me suis arrêtée net. J’ai cherché l’adresse d’une psychiatre sur internet et j’ai directement pris rendez-vous.
J’ai seulement parlé de ma dépression à mon mari. Pour le rassurer, je lui ai dit que je me soignais moi-même en lisant un livre sur la dépression post-partum. Avant mon rendez-vous avec la psychiatre, je lui ai d’ailleurs lu des extraits pour qu’il comprenne ce que je traversais. Mais mon mari est resté passif face à mon état, voire paralysé. À ce moment-là, tout était contradictoire dans ma tête. J’avais peur de confier mes problèmes à quelqu’un d’autre et, en même temps, je rêvais qu’il prenne rendez-vous avec un psychologue, qu’il m’accompagne et qu’il prenne en charge ce que je n’arrivais pas à faire seule. Je me sentais en fait extrêmement isolée…
La psychiatre, qui pratiquait aussi, l’EMDR ( méthode pour traiter le stress post-traumatique), m’a aidée en me faisant travailler sur mon enfance et sur ma culpabilité concernant ma fille. Lorsque je lui ai raconté tout ce que je vivais dans ma tête et dans mon corps, elle a confirmé qu’il s’agissait bien d’une dépression post-partum.
Au fond de moi, j’ai toujours su les raisons de ma dépression post-partum. En effet, dans ma famille, toutes les femmes avaient subi des abus i.n.c.e.stueux. Ma mère avait donné naissance à deux filles, mais elle avait fait trois fausses couches de fœtus masculins. Elle disait souvent : « Dans notre famille, les grossesses de garçons ne sont pas tolérées« . Alors, lorsque mon fils est né, j’ai ressenti de la peur. Chaque jour, j’étais convaincue qu’il allait mourir. Pourtant, pendant toute ma grossesse, j’étais heureuse de savoir que j’allais avoir un garçon.
Quand mon fils est né, j’ai également revu toute la vie de ma fille, toute sa souffrance. Tout ce qu’elle a vécu et tout ce que moi-même j’ai vécu, ces moments ont défilé en une seconde dans ma tête. J’ai pensé : « Mais mon dieu, quelle erreur j’ai faite de faire un autre enfant, de mettre encore un enfant en danger dans ce monde horrible. » Et j’ai sombré.
Aujourd’hui, 10 ans plus tard, je vais mieux. Je suis extrêmement protectrice envers mes enfants. Mais j’aime aussi être dans l’humour et la dérision avec eux. D’ailleurs, j’ai l’impression d’être leur psychologue par moments. Dans l’éducation de notre fils, j’ai pris la décision de me mettre en retrait à plusieurs reprises et de laisser mon mari prendre sa place et l’éduquer à sa manière, avec son esprit libre de toute peur contrairement au mien. Même s’il est vrai que je surgis à la seconde où je pense que mon mari fait une erreur éducative.
Avec mon fils, on est très protecteurs l’un envers l’autre. C’est un enfant anxieux et qui le cache. Il me répète sans cesse que je m’inquiète pour rien. Mais j’appréhende encore qu’il vive la même chose que ma fille a vécue… Ce n’est pas la même peur qu’au début mais c’est toujours dans un coin de ma tête. Je suis prête à prendre immédiatement en charge son mal être, si c’était le cas. Je ne pourrais pas supporter qu’il vive ce que j’ai vécu petite et ce que ma fille à vécu. Il faut que ça s’arrête avec lui.
Aujourd’hui, j’ai réintégré mon corps et je continue d’être suivie, en l’occurrence par une sophrologue, avec qui je travaille sur mon enfance, mes peurs, ma fille, mon fils, et bien d’autres aspects.
Je conseille vivement aux femmes victimes de dépression post-partum d’en parler, rassurez-vous personne ne vous enlèvera votre bébé. La dépression post-partum n’est pas une maladie mentale. Prise en charge rapidement, ce sont des mois de souffrance d’évités ! Avoir envie de tuer son bébé n’est pas le signe d’une dépression post-partum mais uniquement un des signes possibles. Pour sortir de la dépression post-partum il faut en parler. Libérez la parole et n’ayez pas honte !