Qu’est-ce que l’amour, sinon un lien fort d’amitié, le désir et les sentiments en plus ? Est-ce réducteur de penser ainsi ? Evidemment, on ne désire pas tout le monde et on ne tombe pas amoureux tous les matins. Mais il y a une chose qui peut parfois se glisser l’air de rien dans une relation amicale et tout bouleverser, c’est la fameuse ambiguïté. Elle n’est pas obligatoire, et de très belles relations amicales existent et sont platoniques, heureusement ! Mais parfois les choses dérapent, et deux amis, deux meilleurs amis, se retrouvent confrontés à un dilemme : celui de l’attirance physique. Ils n’ont rien vu venir, ont cédé à une pulsion, à la tentation, et hop, c’est le dérapage. Après une soirée arrosée ou une soirée confidences, une envie, un manque, le regard sur l’autre qui change et les amis deviennent amants. C’est le cas de Juliette qui nous livre son témoignage : J’ai fait l’amour avec mon meilleur ami. Comment l’a-t-elle vécu ? Quelles sont les conséquences sur sa relation aujourd’hui ?
J’ai fait l’amour avec mon meilleur ami : témoignage de Juliette
Mon meilleur ami et moi, nous nous sommes connus au lycée. Nous faisions partie de la même bande d’amis. Révisions du bac, inscriptions pour nos études supérieures, attente stressante le jour des résultats et la fête ensuite, nous avons tout vécu ensemble !
De simples amis au départ, nous sommes devenus de plus en plus proches en terminale puis lors de nos études. Nous étions dans la même école. Là encore, nous passions beaucoup de temps ensemble.
Mais jusque-là, la question de l’ambigüité d’une amitié amoureuse ne s’est pas posée.
Il avait une petite copine au lycée, et moi j’ai rencontré quelqu’un l’année suivante. C’était mon ami, mon confident, celui justement à qui je pouvais tout dire. Sans peur du jugement, sans tabou et en toute confiance.
De vraies discussions, des séances de révisions, des soirées mémorables, des vacances ensemble, nous avons tout partagé. La question de la colocation s’est même posée à un moment donné.
Etais-je naïve ? L’étions-nous tous les deux ?
A aucun moment en tout cas, je me suis dit que les choses pouvaient déraper, que notre amitié pouvait être remise en question. Pour moi, c’était vraiment « à la vie, à la mort » comme avec mes meilleures amies filles. Et si j’avais une peur, c’était plutôt que notre amitié se perde après, à cause de chemins différents, de la distance, de notre entrée dans la cour des grands. Celle de l’âge adulte et de ses vraies responsabilités.
Et pourtant, il y a eu ce fameux soir, ce fameux moment où tout a basculé et après lequel plus rien n’a été pareil.
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Ce fameux jour où j’ai fait l’amour avec mon meilleur ami.
Cela faisait plus de 5 ans que nous étions amis et il ne s’était jamais rien passé. Vraiment rien. Pas un baiser, pas un câlin déplacé, pas de regards lourds de sens, pas de déclaration enflammée et aucun jeu de séduction malsain. Non vraiment rien du tout.
Mais ce soir-là, quelque chose a changé. Nous nous sommes retrouvés tous les deux, mais comme tant d’autres fois auparavant. Cela n’avait, en soi, rien d’exceptionnel.
Mais il n’allait pas trop bien, c’était fini avec sa copine depuis quelques temps et il se posait des questions. Il avait toujours l’impression de tomber sur la mauvaise personne. De mon côté, ma vie amoureuse était également au point mort depuis quelques mois. Nous nous retrouvions tous les deux célibataires en même temps, chose rare. Ceci explique sans doute ce qui s’est passé.
Au début de la soirée, nous avons beaucoup ri de nos petits malheurs respectifs avant de jouer les philosophes et les pseudo thérapeutes conjugaux l’un pour l’autre.
A un moment, il m’a dit « en fait je devrais me mettre en couple avec toi, ce serait plus simple ! C’est vrai, tu me connais par cœur, tu acceptes mes défauts, moi idem, comme ça pas de mauvaise surprise sur la marchandise » !
Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas ri instantanément. Si je l’avais fait, si j’avais ri, il se serait sans doute dit que je prenais ça comme une blague ridicule, il aurait ri aussi et c’est tout. Fin de la parenthèse.
Mais je n’ai pas souri à sa blague. Je l’ai regardé et là, tout a basculé. Il m’a fixé, nos regards étaient comme aimantés. Quand il s’est rapproché, j’ai su qu’il allait m’embrasser et je n’ai pas cherché à fuir.
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La suite, je vous l’ai dit, j’ai fait l’amour avec mon meilleur ami.
Pour moi, on n’a pas juste couché ensemble comme un vulgaire coup d’un soir. L’affection et le respect que j’ai pour lui, et lui pour moi, ont fait de ce moment un vrai moment de complicité et de tendresse. Une sorte de moment suspendu, hors du temps, improbable mais pourtant bien réel.
Vous dire que cela a été simple ensuite serait un mensonge. Il n’y a pas eu de grande déclaration d’amour comme dans une comédie romantique. Heureusement, il n’y a pas eu de ghosting non plus.
Nous nous sommes quittés au petit matin, après nous être endormis, gênés, mal à l’aise, ne parvenant pas à parler de ce qui s’était passé. Je crois que nous avions tous les deux, besoin de prendre du recul. Il m’a fait un bisou sur la joue et il est parti.
En fin de journée il m’a envoyé un sms en réponse au mien qui lui demandait comment il allait. Pathétique, je sais, mais j’avais besoin de prendre la température en quelque sorte. « Je suis paumé et toi ? Je sais qu’il faut qu’on en parle mais là tout de suite, je n’y vois pas assez clair. On se laisse un peu de temps, ça te va ? Je t’embrasse. »
Honnêtement je ressentais la même chose mais j’avais peur qu’il décide de rompre notre amitié, de ne plus jamais vouloir me revoir. J’ai accepté d’attendre un peu, ayant aussi besoin de réfléchir et je lui ai fait confiance.
Pourquoi avons-nous craqué ? A quoi avons-nous cédé d’ailleurs ? A un manque, une pulsion ? Était-il juste question de l’addition de nos deux solitudes affectives du moment ?
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Ou quelque chose de plus profond s’était-il passé ? Du désir ? Une attirance réelle ? L’émergence de nouveaux sentiments ?
Entre nous deux, tout avait toujours été simple, fluide, sincère. J’avais peur que ça gâche tout, qu’on soit mal à l’aise, qu’on ne veuille plus la même chose. Et si l’un de nous deux voulait plus que de l’amitié mais pas l’autre ? Comment faire si la réciprocité de nos envies était mise à mal ? Cela avait toujours été au centre de notre relation, avec la sincérité.
Il fallait déjà que je sache ce que moi je voulais. Qu’il reste mon ami ? Qu’il devienne mon amant ? Les deux, et donc qu’on se lance dans une histoire ? Ou voulais-je le sortir de ma vie ? Et lui, qu’allait-il décider ?
« J’ai fait l’amour avec mon meilleur ami », ça tournait en boucle dans ma tête…
Nous nous sommes revus une semaine après, c’était rare de ne pas se parler ni se voir pendant si « longtemps ». Son sourire à mon arrivée m’a rassurée, son regard droit aussi.
Nous avons réussi à parler sans honte ni tabou de ce qui s’était passé. Si ce moment de dérapage était inattendu et dû à un manque affectif certain, pour autant aucun de nous deux ne le regrettait. J’étais soulagée.
Mais c’est vrai qu’une sorte de pudeur s’était installée entre nous, comme lors d’un premier rendez-vous. Comme si nous nous ne regardions plus exactement de la même façon.
Il m’a avoué avoir ressenti un vrai désir ce soir-là et si cela l’avait perturbé depuis, me revoir lui faisait du bien. La tendresse était toujours là. Mais il l’admettait, avec du désir en plus.
Apparemment, notre relation était en train d’évoluer et elle avait décidé de le faire plus vite que nous !
Qu’en était-il de mon côté ? Est-ce que je regrettais, est-ce que j’avais envie de recommencer, est-ce que je voyais notre relation autrement ?
Non, oui, oui. Mes réponses sont sorties toutes seules, sans que je prenne le temps de réfléchir. C’était vraiment très bizarre.
Nous avons décidé de lâcher prise avec ce qui s’était passé et ce qui allait peut-être arriver ensuite. De ne pas nous mettre de pression, de ne pas mettre de mot sur notre relation d’emblée.
Nous n’étions plus seulement des meilleurs amis, pas encore un couple mais pour autant ni l’un ni l’autre ne voulait développer une relation de s.e.xfriends.
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Peut-être qu’on avait tout depuis le début pour s’attirer, se désirer puis s’aimer ? Était-ce écrit ainsi ? Logique, immuable ?
Je reste persuadée aujourd’hui qu’une amitié véritable peut unir un homme et une femme hétéros. L’ambigüité peut mettre des années à venir ou ne jamais exister. Dans notre cas, je ne regrette rien. Notre relation a évolué au fil des années et au gré de nos vies.
Aujourd’hui, nous sommes en couple, enfin nous n’avons plus peur de mettre un mot officiel sur notre relation.
La plupart de nos amis n’ont pas été surpris tant que ça, les petits malins ont proféré des « j’étais sûr que ça arriverait ! », les autres font des pronostics sur l’avenir de notre couple en plaisantant.
Nous avons franchi la frontière de l’amitié à l’amour avec un peu de maladresse au départ. C’est étrange de désirer son meilleur ami, de découvrir le manque, de le regarder autrement, de ressentir des choses plus fortes. Mais nous avons eu la chance d’être, une fois encore, sur la même longueur d’onde.
Sommes-nous des âmes sœurs ? J’ai tendance à le penser, mais pour l’instant je le garde pour moi. L’avenir nous dira si j’ai raison ou pas…