« Je suis une crise d’angoisse »
Tous les matins c’est la même chose.
Mon cœur se réveille avant mon cerveau, il se compresse et s’accélère. Mes tempes s’humidifient, je me plie en deux, me retrouvant en boule au milieu du lit. Je pose mes mains à plat sur mon ventre, je sens que ça bouge là-dedans, je hurle de douleur intérieurement. J’ai peur ; je ne veux pas sortir à l’extérieur. Je ne veux pas ouvrir mes volets, je ne veux pas entendre le bruit des voitures, encore moins celui des piétons. Je ne veux pas aller dans ce métro qui pue, qui m’étrique. Je ne veux pas passer le pas de ma porte. Je ne veux pas voir la lumière du jour qui me donne des migraines infernales. J’ai peur de l’extérieur.
Mais je suis obligée d’aller au boulot.
Alors je me lève, parfois je vomis, parfois je pleure, parfois je crie. Je me maquille en ne me répétant qu’une seule et même chose « je ne veux pas y aller, je ne veux pas y aller, je ne veux pas y aller ». Je compte les heures. 9h15-18h30. A 19h je serai de retour, je me replongerai immédiatement dans mon lit. Mon lit, mon lit, mon lit. Voilà ce à quoi je suis réduite. Et encore… Il m’arrive aussi de faire des crises la nuit. Des grosses crises où mes membres se tendent, durcissent et deviennent froids. Je ne peux plus rien bouger. Ma mâchoire est crispée, mais j’vous promets, je n’ai pas pris de MD ! Et puis il y a mon copain, mon pauvre copain qui appelle les urgences. Je me suis retrouvée une fois sur ce putain de brancard, et, comme un papillon dans sa chrysalide, on m’avait mise dans cette espèce de duvet blanc. J’avais si froid que la fermeture s’arrêtait sous mon nez, juste assez pour que je puisse encore respirer. Je tremblais. Mais aux urgences faut avoir de la patience. « Vous faites juste une crise de tétanie Mademoiselle, un Xanax et puis au lit ».
Et le lendemain rebelote.
Après une nuit de merde pareille je dois encore faire semblant. Arriver au taff en disant bonjour avec mon plus grand sourire. Me tenir le ventre toute la journée, trembler des jambes et me bouffer les dents à les faire tomber. Supporter les plaintes et les pressions alors que je n’ai qu’une envie : sortir de cette putain de dépression.
Et avant d’arriver au boulot, il y a le métro.
A chaque fois c’est pareil : l’impression d’être dans un sauna. Je suis trempée, trempée, je me dégoûte j’ai envie de retourner me laver. Je sue, j’ai chaud, j’ai mal au ventre à me tordre en deux, ma tête va exploser. Et je regarde les rails, j’ai envie de me foutre dessus, j’ai envie de mourir pour ne plus avoir ce corps à subir. Mais j’ai aussi envie de vivre parce que j’aime la vie. Je n’aime pas la mienne c’est tout. Pourquoi ? Parce que j’ai tout pour aller bien mais que tous les jours, je fais des crises d’angoisse sans raison. Maladie honteuse et incomprise. T’as beau en parler à tes proches, personne ne te croit, tout le monde se marre : c’est tellement con de faire des malaises, de faire des crises de tétanie, de la spasmo : tu es ridicule ma pauvre allez viens avec nous en boîte ce soir. Mais j’peux pas, j’peux plus ! J’en ai envie les filles, vraiment ! Je ne joue pas la comédie putain, croyez-moi ! C’est moi qui souffre le plus, qu’est-ce que vous en avez à faire que je sois là ou pas ce soir ? Vous allez vous bourrer la gueule et danser toute la soirée et moi je serai tendue comme une b*te dans mon lit. Merde !
Avec ces médicaments qui me calment un jour, qui me shootent le lendemain et me rendent hyperactive ensuite. J’ai l’impression d’être un rat de labo : xanax, Lysanxia, seroplex, Prozac, Lexo… « On va bien finir par trouver celui qui vous correspond Mademoiselle ». Ok et en attendant j’fais quoi moi? Je meurs un peu plus tous les jours ? Mon mec commence à ne plus supporter mon état, mes amis n’y comprennent rien et moi, je ne peux plus voir mon reflet. Docteur, je me hais.