J’ai découvert ce livre par hasard il y a des années sur une brocante, je ne connaissais pas l’auteur mais le résumé de l’histoire sur la quatrième de couverture m’a donné envie de me plonger dans ce roman. Depuis il fait partie de ma bibliothèque ; on trouve parfois, et même souvent, de vraies pépites dans les cartons de livres des brocantes et vide-greniers. Robert Kimmel Smith est né à Brooklyn, New York en 1930. Il a commencé à rêver à devenir écrivain dès l’âge de huit ans, quand il a passé trois mois à lire des jours entiers pendant qu’il se remettait d’un rhumatisme articulaire aigu. Après des études universitaires, il a été rédacteur publicitaire puis directeur créatif. Il a commencé à écrire des histoires pour les jeunes lecteurs « par accident » tout en racontant à sa fille des histoires au coucher, qu’il a ensuite écrites. Il s’est également inspiré de sa propre enfance. A partir de 1970, il se consacre exclusivement à l’écriture : son premier livre pour enfants, Chocolate Fever (la fièvre du chocolat), publié en 1972, a remporté le Massachusetts Children’s Book Award et s’est vendu à plus de 2 millions d’exemplaires de poche. Il a continué à écrire des livres pour enfants puis s’est mis à l’écriture de plusieurs romans pour adultes, toujours dotés d’une touche d’humour avec un ton résolument tourné vers la comédie. C’est en cela que son livre La maison de Jane (Jane’shouse), publié en 1982, est totalement différent. Dans ce roman plus introspectif, Robert kimmel Smith change radicalement de style et de ton en s’inspirant de sa vie personnelle, loin de ses romans légers et humoristiques, pour écrire une histoire touchante, parlant des sujets douloureux que sont le deuil, le veuvage, la perte d’une maman et la reconstruction d’une famille, et ainsi de la difficulté de laisser la place à une nouvelle femme, et belle-mère, dans sa vie.
L’histoire du roman
Jane, Paul et leurs enfants, Barbara, seize ans et Bobby, dix ans, formaient une famille comme les autres jusqu’au jour où tout s’écroule, où la mort subite de Jane, épouse et mère adorée, bouleverse leurs vies. Paul se retrouve seul, perdu, anéanti, veuf. Il fait tout ce qu’il peut pour aider ses enfants à surmonter leur chagrin, à ne pas se perdre dans la solitude et l’isolement. Mais rien ne l’a préparé à assumer seul le rôle de père et de mère. Avec une maladresse pathétique parfois, mais toujours avec tendresse et amour, il essaie de se battre pour que la famille reste unie, soudée, dans le souvenir de Jane, pour être le point d’ancrage de ses deux enfants malgré la douleur de son propre chagrin et le deuil qu’il doit faire, malgré le fait qu’il laisse de côté l’homme qu’il est pour n’être plus que père. Quand, plus tard, Paul rencontre Liz, il sait qu’une seconde chance de bonheur s’offre à lui. A lui et à ses enfants. Car il veut que Barbara et Bobby retrouvent un vrai foyer. Paul veut épouser Liz et désormais elle va habiter dans leur maison, dans la maison de Jane. Mais pour Barbara et Bobby, c’est l’étrangère, l’intruse, l’ennemie qui pénètre dans la maison de leur mère.
Pourquoi il faut lire La maison de Jane
Bien que ce livre ait été écrit en 1982, et que certaines références puissent ainsi paraître désuètes, ce roman a beaucoup de charme et de justesse de ton, et son histoire demeure intemporelle.
C’est une histoire horriblement triste sur le deuil d’une mère, d’une épouse. Même si le déroulement de l’histoire et peut-être son dénouement peuvent paraître prévisibles, on ne peut qu’être touché par cette histoire et les personnages meurtris que sont Paul, Barbara et Bobby. Ils s’aiment mais, face au chagrin, au deuil, ils se blessent, n’arrivent plus à partager, à communiquer, à s’unir dans leur douleur et à faire face ensemble. Chacun se renferme dans sa souffrance, les reproches et les disputes fusent, et le père a du mal à faire face aux réactions provocantes ou désespérées de ses enfants qui expriment à leur façon le drame d’avoir perdu leur mère. Il leur faudra du temps à tous les trois pour faire leur deuil séparément et ensemble.
En cela, le roman est très bien écrit, il livre les émotions et les sentiments des personnages afin d’expliquer leurs réactions de manière très émouvante et il est ainsi facile pour le lecteur de se mettre dans la peau de chacun d’eux. Même Liz, la future épouse et belle-mère, n’est pas mise à l’écart par l’auteur et on sent à travers son personnage toute la difficulté pour une femme, pour une belle-mère de trouver sa place dans un foyer qui n’est pas le sien, dans une famille qu’elle n’a pas fondée, pour essayer de devenir la belle-mère de deux enfants qui au départ ne veulent pas d’elle et la détestent juste pour ce qu’elle représente et parce qu’elle leur rappelle la mort de leur mère.
Ce roman offre une belle et douloureuse histoire de famille et dépeint, sur un ton très juste, les épreuves que sont le deuil et le veuvage. Il ouvre aussi l’espoir d’un renouveau, d’une nouvelle vie, grâce à des liens familiaux forts et ressoudés et à l’arrivée d’un beau-parent. De cette famille brisée, en deuil, considérant toute personne étrangère à la famille comme intruse, voire ennemie, va au final naître un nouveau schéma familial, un nouveau modèle, une nouvelle possibilité d’être une famille, une autre façon d’aimer. C’est un bel hymne à la vie, à la famille et à la force de l’amour.
Ce roman se demande comment nous pouvons, et si nous pouvons, nous adapter face une perte aussi tragique que celle d’un parent, d’une mère, d’une épouse.
Pouvons-nous jamais la remplacer? L’oublier ? Non, il est évident que non. Mais continuer à avancer sans elle malgré tout, dans le respect de son souvenir et célébrer la vie pour elle ? Je pense que oui, c’est un magnifique message d’espoir, surtout pour les enfants, même s’il n’y a pas de réponse universelle à cette question…
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