Ces agriculteurs qui abusent et dont on abuse
Populaire. C’est l’adjectif qui vient directement à l’esprit lorsque l’on évoque la célèbre émission d’M6 L’amour est dans le pré. Tout d’abord parce qu’il est question d’amour et que l’amour concerne tout le monde (à moins que vous ne soyez un misanthrope complètement fermé et allergique à l’espèce humaine). Ensuite, parce que le cadre choisi est efficace. Les champs, les fermes, la nature, une vie simple et saine. Voilà qui fait rêver les citadins lassés par le métro, leur boss, la pollution et l’agitation des rues. Quant aux téléspectateurs qui vivent eux-même dans un cadre plus ou moins rural, il est possible qu’ils s’identifient aux agriculteurs à la recherche du grand amour. Bref, ces honnêtes travailleurs en mal d’affection touchent un très large public. Et ce d’autant plus que les profils sont variés; de la jeune femme forte mais réservée (Sophie de la saison 8, Emeline cette année) au vieux garçon vulnérable (Philippe l’année dernière, Thierry P cette année). Mais dans leur quête amoureuse, les agriculteurs n’ont pas toujours le beau rôle…
Entre prétendant et goujat… Il n’y a qu’un pas!
Force est de constater que si certains candidats ont une démarche sincère et touchante, d’autres profitent de la situation pour rattraper le temps perdu loin du monde de la séduction. Qui ne garde pas en mémoire le dérapage de Thierry, personnage emblématique de la saison 7? Celui-ci ne s’est pas privé de séduire une première candidate avant de se rabattre sur la seconde, Annie, qu’il va finalement épouser. Dans un autre style, on peut citer Gilles, de la saison 8. A travers son portrait, la chaîne le décrit comme un peu macho mais doux et romantique. Ce n’est pourtant pas ce que rapporte Katia, qu’il avait choisi à l’issu de l’émission. Tous deux se sont séparés deux semaines après le départ des caméras suite à une dispute un peu obscure. Pour Gilles, la réaction de Katia est démesurée mais cette dernière assure avoir subit les insultes de l’agriculteur. Gilles s’est finalement consolé pendant l’été qui a été pour lui un véritable « feu d’artifesse » comme il aime à s’en vanter auprès de la présentatrice Karine Lemarchand.
Le goujat fait le show
Ces candidats peu prévenants sont précisément ceux qui font le buzz, devenant les atouts principaux du programme. Le manque de délicatesse de Thierry et ses remarques grivoises apportent une touche d’humour (gras) quand Gilles, lui, fait le show à sa façon. Soit disant désespéré par le départ de Katia (qui devait brièvement rentrer chez elle avant retourner vivre dans les verts pâturages de l’élu de son cœur), l’agriculteur s’est surpassé. Sa course effrénée à travers champs (et en claquettes) pour adresser un dernier au revoir au taxi de sa belle qui s’éloigne en contrebas a été rediffusée un nombre incalculable de fois. La faute à ses jurons entrecoupés de sanglots et au bâton ramassé dans l’urgence pour faire des signes d’adieu. Alors oui, tout ça, c’est trop. Mais ce n’est pas forcément de la comédie pour autant. Les téléspectateurs ont pu voir à travers l’émission à quel point Gilles était exubérant. Il s’agit d’une véritable personnalité, pas d’un rôle préconçu comme ceux que l’on peut trouver dans des émissions comme Qui veut épouser mon fils (TF1) ou Les Princes de l’amour (W9). Mais c’est précisément ce que l’on pourrait reprocher à la chaîne: utiliser la naïveté des candidats pour exploiter leurs comportements amoureux.
Une naïveté touchante mais dérangeante
Gilles le macho dramatique est fier de la scène qui l’a fait connaître. Il dit qu’il l’assume. Mais il ne se doute pas que derrière leur poste, beaucoup de téléspectateurs se moquent de ses coups d’éclat. Il n’envisage même pas son propre potentiel pathétique. Et c’est le problème de beaucoup d’autres candidats. Cette année par exemple, on peu craindre le même genre de buzz avec François, fan inconditionnel de Johnny Hallyday. Plus vulnérable que Gilles, nulle doute que François s’attirera en premier lieu la bienveillance des téléspectateurs, comme la plupart des candidats de l’émission (parce que les spectateurs ont un cœur, tout de même, n’abusons pas). Mais voir ses maladresses, ses faiblesses et peut-être ses déceptions à l’écran, jetées en pâture au grand public a toujours quelque chose de révoltant. Oui, les agriculteurs de L’amour est dans le pré sont attachants. Ils sont profondément humains et c’est probablement ce qui fait le succès de l’émission. Mais les voir intégrer une mécanique dont ils ne saisissent pas vraiment la portée les place en victimes dans une société se plaît à exhiber les défauts de ses membres.