Le bal des folles est le premier roman de Victoria Mas, publié en 2019 chez Albin Michel. Ce récit sur les femmes internées à la Pitié-Salpêtrière au XIXème siècle a obtenu plusieurs prix littéraires. Il a également été sélectionné pour les prix Femina et Renaudot et a remporté le prix Renaudot des lycéens. L’auteure nous offre une chronique historique incroyable sur la condition des femmes en France, il y a moins de 150 ans.
Le bal des folles de Victoria Mas : un magnifique roman historique
Résumé du livre
Chaque année, à la mi-carême, se tient un très étrange Bal des Folles. Le temps d’une soirée, le Tout-Paris s’encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires. Réparti sur deux salles, d’un côté les idiotes et les épileptiques ; de l’autre les hystériques, les folles et les maniaques. Ce bal est en réalité l’une des dernières expérimentations de Charcot, désireux de faire des malades de la Salpêtrière des femmes comme les autres. Parmi elles, Eugénie, Louise et Geneviève, dont Victoria Mas retrace le parcours heurté, dans ce premier roman qui met à nu la condition féminine au XIXe siècle.
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Mon avis sur Le bal des folles
L’auteure signe ici une incroyable chronique historique. Son récit est romancé avec le choix de ses personnages féminins, mais sur fond d’une réalité bouleversante. Sa très belle plume permet de mettre en valeur ce qu’on considérait à l’époque comme la folie caractéristique des femmes. Mais aussi plus largement sur la place des femmes dans la société. Leur aliénation avérée ou fantasmée faisait peur autant qu’elle fascinait. Au point donc d’organiser ce fameux Bal des folles.
On ne parlait pas de santé mentale au sens où nous l’entendons aujourd’hui, mais bien de folie. Pour la médecine du 19e siècle, enfermer ces femmes, c’était avant tout pour les étudier et faire des expériences. Et ce, peu importe la méthode. Pour les familles, honteuses ou effrayées, faire interner leur mère, femme, sœur, fille, c’était éloigner le danger supposé. Le cacher, le taire.
Ces femmes étaient sous emprise, dépendantes des hommes, de tous les hommes. Leurs mari, père, frère. Les médecins. Considérées comme des bêtes curieuses, déshumanisées, elles n’avaient aucun droit et ne maitrisaient pas leur destin.
C’est un livre dans lequel on plonge sans pouvoir en sortir. On est avide de savoir ce qu’il va advenir d’Eugénie, de Louise et de toutes les autres. Un livre qui fait réfléchir sur une réalité pas si éloignée de nous. Sur les prémices de la médecine psychiatrique, sur les maladies mentales, et sur la société patriarcale et la condition féminine. Nous qui évoluons aujourd’hui dans un siècle où la psychologie et le développement personnel ont leur place, plonger ainsi deux siècles en arrière constitue un voyage déconcertant, duquel on ne peut pas sortir indifférent(e).
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Pour commander Le bal des folles :
Extraits du roman Le bal des folles de Victoria Mas
« Quand la dernière pierre de l’édifice avait été posée, le tri avait commencé : c’est d’abord les pauvres, les clochardes qu’on sélectionnait sur ordre du roi. Puis ce fut au tour des débauchées, des prostituées, des filles de mauvaises vies, toutes ces « fautives » étant amenées en groupes sur des charrettes, leurs visages exposés à l’œil sévère de la populace, leurs noms déjà condamnés par l’opinion publique. Vinrent ensuite les inévitables folles, les séniles et les violentes, les délirantes et les idiotes, les menteuses et les conspirationnistes, gamines comme vieillardes. Rapidement, les lieux s’emplirent de cris et de saletés, de chaînes et de verrous à double tour. Entre l’asile et la prison, on mettait à la Salpêtrière ce que Paris ne savait pas gérer : les malades et les femmes. »
« Libres ou enfermées, en fin de compte, les femmes n’étaient en sécurité nulle part. »
« Entre ces murs où l’on attend d’être vue par un médecin, le temps est l’ennemi fondamental. Il fait jaillir les pensées refoulées, rameute les souvenirs, soulève les angoisses, appelle les regrets – et ce temps, dont on ignore s’il prendra un jour fin, est plus redouté que les maux mêmes dont on souffre. »
« La maladie déshumanise ; elle fait de ces femmes des marionnettes à la merci de symptômes grotesques, des poupées molles entre les mains de médecins qui les manipulent et les examinent sous tous les plis de leur peau, des bêtes curieuses qui ne suscitent qu’un intérêt clinique. »
« Vingt ans n’est rien pour changer les mentalités ancrées dans une société dominée par les pères et les époux. »
« – Justement, papa, faites-moi confiance. Vous me connaissez, je ne suis pas folle.
– N’est-ce pas justement ce que les folles te répètent à longueur de journée ? »