Oh comme je suis dure d’écrire ce titre qui sonne comme une claque. Mais la brutalité de ce titre n’a d’égale que ma déception immense suite à la lecture du troisième roman de Laetitia Colombani. J’avais trouvé La tresse bien écrit, intelligemment construit et j’avais été transportée par le destin de ces trois femmes si différentes que tout reliait pourtant. J’avais apprécié Les Victorieuses, non pas pour ses qualités littéraires mais pour son fond historique intéressant et original. Mais là, franchement, Le cerf-volant… rarement lu un livre si pauvre à tous les niveaux.
Le cerf-volant de Laetitia Colombani : Résumé
Après le drame qui a fait basculer sa vie, Léna décide de tout quitter. Elle entreprend un voyage en Inde, au bord du Golfe du Bengale, pour tenter de se reconstruire. Hantée par les fantômes du passé, elle ne connait de répit qu’à l’aube, lorsqu’elle descend nager dans l’océan Indien. Sur la plage encore déserte, elle aperçoit chaque matin une petite fille, seule, qui joue au cerf-volant.
Un jour, emportée par le courant, Léna manque de se noyer. La voyant sombrer, la fillette donne l’alerte. Léna est miraculeusement secourue par la Red Brigade, un groupe d’autodéfense féminine, qui s’entraînait tout près. Léna veut remercier l’enfant. Elle découvre que la petite travaille sans relâche dans le restaurant d’un cousin, qui l’a recueillie et l’exploite. Elle n’a jamais été à l’école et s’est murée dans un mutisme complet. Que cache donc son silence ? Et quelle est son histoire ?
Aidée de Preeti, la jeune cheffe de brigade au caractère explosif, Léna va tenter de percer son secret. Jadis enseignante, elle se met en tête de lui apprendre à lire et à écrire. Au cœur de ce monde dont elle ignore tout, commence alors une incroyable aventure où se mêlent l’espoir et la colère, la volonté face aux traditions, et le rêve de changer la vie par l’éducation… La rencontre inoubliable et réparatrice entre une femme, une jeune fille et une enfant au milieu d’une Inde tourmentée.
Le cerf-volant de Laetitia Colombani : Mon avis
Laetitia Colombani aurait pu écrire un bon roman. Mais le problème est double selon moi :
- Le style. Je n’ai pas eu l’impression de lire un roman mais un essai journalistique. Je n’ai pas du tout retrouvé l’art de l’écriture de l’auteure que j’avais pu apprécier dans La tresse par exemple. Dans Le cerf-volant, on ne m’a pas raconté une histoire, on m’a fourni des informations.
- Le fond. Ce roman est rempli de bon sentiments, complètement à l’eau de rose et idéaliste. Je n’ai pas été touchée ni émue une seule seconde tant les sujets sont survolés. Rien n’est creusé.
Tous les sujets sont survolés ( Attention Spoiler)
J’étais contente de retrouver Lalita, la petite fille de Smita dans La tresse qui cherchait à fuir sa condition. On est toujours contents de retrouver un personne auquel on s’est attaché dans un précédent roman. Mais mon enthousiasme s’est arrêté là.
On ne rentre jamais dans le détail, impossible de s’attacher à Léna, on nous donne des informations qui ne font pas avancer l’histoire et qui sont posées là comme un cheveu sur la soupe.
- Le VISA de Léna n’est plus valide ? Pas de problème, une page plus loin elle revient en Inde mais on ne sait absolument pas comment elle a fait. Pourquoi avoir mentionné cet obstacle si ce n’en est pas un ?
- Monter une école en Inde ? Alors, certes on nous parle des difficultés mais enfin, je pense qu’on est bien loin de la réalité.
- Léna a l’air de sortir de je ne sais quel monde, de découvrir que le feu brûle et que l’eau mouille ; elle s’étonne de l’analphabétisme en Inde, de la précarité, des castes et du sort réservé aux petites filles…
- Je n’ai absolument pas compris l’intérêt de cette histoire de tuerie au collège. Cela aurait pu faire l’objet d’un livre, elle aurait pu vraiment creuser le sujet, je veux dire ce n’est franchement pas une mort commune. Mais là, quel était le but ? Ca ne nourrit en rien le roman, ça n’apporte strictement rien. J’aurais préféré m’en tenir au « drame », perdre son partenaire de vie est un drame en soi, pas besoin de fioritures autour.
- La fin héroïque. Après avoir fait plusieurs fois la girouette, Léna qui abandonne sa valise à l’aéroport et court sauver Lalita décidant finalement de rester en Inde.
Bref je vais m’arrêter là. Je ne sais pas si je deviens plus exigeante au fil de mes lectures. Pourtant, je ne lis pas que du Balzac, du Céline ou du Hugo. J’adore mes classiques mais je me plonge volontiers dans du contemporain. Là j’ai l’impression d’avoir perdu mon temps et mon argent (19€ quand même…). Ce livre plaira aux bonnes âmes qui ne sont pas particulièrement sensibles à la littérature et qui ont juste envie de positive attitude, de feel-good pas trop complexe et long à lire. Bref, je ne suis pas la cible.
Pour moi, l’auteure est passée à côté de son oeuvre. Pourtant, les sujets soulevés (le sort des femmes en Inde, les Dalits, l’éducation des Intouchables, les brigades féministes là-bas…) mériteraient vraiment d’être traités et creusés. D’où ma déception, parce que j’ai le sentiment que j’aurais pu adorer ce roman s’il avait été pensé et écrit autrement.
Quelques extraits du Cerf-Volant :
Maintenir les filles dans l’ignorance est le plus sûr moyen de les assujettir, de museler leurs pensées, leurs désirs. En les privant d’instruction, on les enferme dans une prison à laquelle elles n’ont aucun moyen d’échapper.
Pour la plupart des Indiens, marier son enfant est un devoir, une obligation. le mariage représente bien plus qu’une simple cérémonie, il est le ciment de la vie sociale, l’évènement le plus important de toute une vie – quand bien même il n’a pas été décidé ni choisi par les intéressés. L’amour ne rentre pas en compte.
Ici les petits travaillent comme leurs aînés, ils sont source de revenus. Ils triment dans les moulins à riz dans la poussière et le bruit assourdissant des broyeurs, dans les ateliers de tissage, les sites de briques à four, les mines, les fermes, les verreries, les usines d’allumettes, de cigarettes, les rizières, les décharges à ciel ouvert.