J’avais déjà lu L’écume des jours étant adolescente et je me suis régalée en le relisant adulte. Il n’a pas perdu de sa magie, de sa poésie, de sa folie aussi ! C’est un roman d’amour intemporel qu’on prend plaisir à redécouvrir.
L’écume des jours : Résumé
Dans un univers mêlant quotidien et onirisme, ce premier roman conte les aventures de Colin, de Chick, d’Alise et de la belle Chloé. Deux histoires d’amour s’entremêlent : Colin est un jeune homme élégant, rentier, qui met fin à son célibat en épousant Chloé, rencontrée à une fête, tandis que son ami Chick, fanatique transi du philosophe vedette Jean-Sol Partre, entretient une relation avec Alise. Tout irait pour le mieux sans les forces conjuguées de la maladie (Chloé est victime d’un « nénuphar » qui lui dévore le poumon) et du consumérisme (Chick consume ses ressources dans sa passion pour Jean-Sol Partre) qui s’acharnent sur les quatre amis. La plume alerte de Boris Vian, qui multiplie les néologismes poétiques et les jeux de mots (le pianocktail, le biglemoi, les doublezons…) semble le faire par politesse, car sous ses dehors de roman d’amour pour éternels adolescents, l’Ecume des Jours est un piège qui étouffe petit à petit le lecteur et les personnages. A l’image de la maladie de Chloé qui s’étend, la légèreté et l’innocence qui ouvrent le roman sont progressivement contaminées par le drame.
L’écume des jours : Mon avis
J’adore Boris Vian, sa poésie, sa folie, son esprit, ses jeux de mots, l’alternance de styles (soutenu puis familier). C’est un génie du surréalisme, un véritable Picasso du langage. Boris Vian a le don de nous transporter grâce à son imagination sans limite et son âme d’enfant. Mon roman préféré de cet auteur est L’arrache-coeur suivi de très près par L’écume des jours.
L’histoire :
Il y a Colin et puis il y a Chick, deux amis. Chick est un fan inconditionnel de Jean-Sol Partre, il se met en couple avec Alise, ce qui donne envie à Colin de rencontrer l’amour à son tour. C’est ce qu’il se produit puisqu’il tombe amoureux de la douce Chloé. Mais quand celle-ci tombe malade (un nénuphar dans le poumon !) leur vie bascule.
Les thèmes abordés :
Le monde du travail : Boris Vian critique le monde du travail, les patrons, la hiérarchie, il renverse les valeurs, les personnages changent de personnalité et de langage en fonction de l’argent, de leur métier. Pour Colin, le travail c’est l’enfer, il n’a jamais travaillé de sa vie et commence à chercher un emploi quand Chloé tombe malade et qu’il a dépensé toute sa fortune dans les fleurs, remède à la maladie de Chloé.
– Et vous, que faîtes-vous dans la vie ?
– Moi, j’apprends des choses, et j’aime Chloé
Je ne veux pas gagner ma vie, je l’ai.
Colin possédait une fortune suffisante pour vivre convenablement sans travailler pour les autres, et Chick devait aller tous les huit jours au ministère voir son oncle et lui emprunter de l’argent car son métier d’ingénieur ne lui rapportait pas de quoi se maintenir au niveau des ouvriers qu’il commandait, et c’est difficile de commander à des gens mieux habillés et mieux nourris que soi-même.
Ma soeur a mal tourné, monsieur, dit Nicolas. Elle a fait des études de philosophie. Ce ne sont pas des choses dont on aime se vanter dans une famille fière de ses traditions…
Mais est ce que c’est leur faute s’ils croient que c’est bien de travailler ?
– Non, dit Colin, ce n’est pas leur faute.C’est parce qu’on leur a dit : le travail, c’est sacré, c’est bien, c’est beau, c’est ce qui compte avant tout, et seuls les travailleurs ont droit à tout. Seulement, on s’arrange pour les faire travailler tout le temps et alors ils ne peuvent pas en profiter.
– Mais alors ils sont bêtes, dit Chloé.
– Oui, ils sont bêtes, dit Colin. C’est pour ça qu’ils sont d’accord avec ceux qui leur font croire que le travail, c’est ce qu’il y a de mieux. Ça leur évite de réfléchir et de chercher à progresser et à ne plus travailler.
La musique : La musique, plus particulièrement le jazz, est assez présente dans L’écume des jours. Dès le premier chapitre, Colin entre dans sa « salle à manger-studio » qui se trouve en face de l’avenue Louis Amstrong (musicien de jazz américain) et puis il y a son fameux pianocktail, ce piano qui joue des notes et sert des cocktails en fonction des mélodies jouées.
A l’intérieur du thorax, ça lui faisait comme une musique allemande, où on n’entend que la grosse caisse.
La religion : Boris Vian critique sans vergogne la religion notamment à travers le mariage de Colin et de Chloé et de l’enterrement de cette dernière. Il présente la religion comme un spectacle » La Parade avant la noce « , » les 14 enfants de fois executaient un ballet « , » Le religion tenait une grosse caisse, le bedon jouait du fifre et le chuiche scandait le rythme des maracas « . Lors de l’enterrement à l’inverse du faste du mariage, Colin est ruiné et a donc le droit à un « enterrement de pauvre ». Il n’a droit à aucun respect, Chloé est transportée dans une boîte tenues par des hommes qui chantonnent joyeusement jusqu’à la balancer impunément.
La superficialité : Clairement, que ce soit Colin ou Chick, Chloé ou Alise ou encore Nicolas, les personnages sont creux. La seule chose qui semble les intéresser est leur image et l’image qu’ils renvoient aux autres. Par exemple, Chick dépense tout son argent pour se procurer tout ce qui concerne l’auteur Jean-Sol Partre mais se fiche finalement des contenus. Il achète tous ses livres mais n’en lit aucun, pour faire « bien ». Les filles s’habillent toutes pareilles. L’appartement de Colin des débuts du roman est luxueux mais il n’est jamais dedans…
Colin reposa le peigne et, s’armant du coupe-ongles, tailla en biseau les coins de ses paupières mates, pour donner du mystère à son regard. Il devait recommencer souvent, car elles repoussaient vite.
L’amour : L’amour fou, le désir, la folie autant de thèmes chers au surréalisme et que l’on retrouve dans ce roman. D’ailleurs, je ne peux pas ne pas évoquer En attendant Bojangles d’Olivier Bourdeaut quand je parle de L’écume des jours. Les deux vont tellement de pair je trouve (avec toutefois une préférence pour Bourdeaut, En attendant Bojangles étant l’un de mes romans préférés). Les deux auteurs nous offre une vision très romanesque de l’amour ; la passion est punie, l’amour est tellement beau et puissant qu’il détruit…A l’instar des Disney qui s’arrêtent toujours avant que la véritable relation ne commence d’ailleurs !
En bref
J’avais déjà adoré et aime toujours autant ce roman, notamment grâce à ce procédé si cher à Boris Vian qu’est le réalisme dans l’insolite. J’adore la langue de Vian avec ses jeux de mots « le pourboire qui sert à manger », « bailler aux cornemuses » , ses nombreux néologismes (« le grapefruit qu’il avait plumé », » cent mille doublezons « …) ses mot-valise (le « pianocktails » ; le « députodrome), les expressions prises à la lettre (« -Ecoutez, coupons la poire en deux : deux mille cinq cents doublezons. – Allons, dit Colin, d’accord. Mais qu’est-ce qu’on va faire des deux moitiés de cette sacrée poire ?), ses comparaisons (Et les gens devant ses yeux, s’inclinaient lentement pour tomber, comme des quilles) ect… L’imagination et le côté très imagé de son écriture aussi comme le fait que l’appartement rétrécisse à mesure que la maladie de Chloé prend de l’ampleur. Bref, tout le monde n’accroche pas mais moi, j’adhère à 100% au style de Boris Vian et en suis totalement fan !
Commander L’écume des jours
Quelques extraits de L’écume des jours de Boris Vian :
– J’ai le sentiment que toute ma vie dépend de cet instant précis. Si je le rate…
– Moi je pense le contraire. Si on rate ce moment, on essaie celui d’après, et si on échoue on recommence l’instant suivant. On a toute la vie pour réussir
L’histoire est entièrement vraie puisque je l’ai imaginée d’un bout à l’autre.
Est-ce que, du point de vue moral, il est recommandable de payer ses impôts, pour avoir, en contrepartie, le droit de se faire saisir, parce que d’autres paient des impôts qui servent à entretenir la police et les hauts fonctionnaires ? C’est un cercle vicieux à briser, que personne n’en paie plus pendant assez longtemps et les fonctionnaires mourront tous de consomption et la guerre n’existera plus.
Le plus clair de mon temps, je le passe à l’obscurcir.
Colin se sentait honteux d’être si riche.
– Ecoute, Chick, dit-il, veux-tu de mon argent?…
Alise regarda Colin avec tendresse. Il était si gentil qu’on voyait ses pensées, bleues et mauves, s’agiter dans les veines de ses mains si fines.
…
– Ne me remercie pas, dit Colin. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le bonheur de tous les hommes, c’est le bonheur de chacun.