Une lettre de marquis de Sade à sa femme, qui change de ce qu’on a l’habitude de lire de lui. Se cacherait-il un peu de romantisme au fond de lui ?
[Octobre 1781.]
Eh bien ! tu disais donc qu’il n’y avait pas de 17 à ta dernière visite, pas de ce chiffre particulièrement consacré – voyez la lettre du 17 mai 1777. Oh ! il n’a pas manqué à aucune de tes visites, et à cette dernière c’était la dix-septième fois que je voyais le major. Que m’importe, c’est la seule fois où je m’aveuglerai sur les chiffres. Tu m’as promis de me suivre, tu me l’as promis en m’embrassant, tu me l’as juré, je te crois ; et il y eût mille 17, jamais je ne me tromperai au langage de ton cœur, et c’était lui qui parlait quand tu me l’as promis. Si tu ne me tiens pas parole, tu m’exposeras à mille extravagances en sortant, car je te proteste, sur tout ce que j’ai de plus cher au monde, que rien ne sera capable de m’arrêter, et de m’empêcher de t’aller arracher aux entrailles de la terre, dût-ce être là que l’on voulût te cacher pour te soustraire à moi. Que toutes les foudres du ciel puissent m’écraser, qu’elles engloutissent avec moi ma fortune, mes enfants, tout ce que je possède dans le monde, que je ne puisse plus faire un pas dans l’univers sans trouver des poignards ou des abîmes, si je respire huit jours hors des chaînes sans toi.
Source : Marquis de Sade, Lettres à sa femme, Babel
Source image : « portrait supposé », dessiné par Charles van Loo vers 1770