Ayant fait une prépa Hypokhâgne/Khâgne, des classiques j’en ai lus, et pas qu’un peu ! Et pourtant, j’étais passée à côté de ce chef-d’oeuvre. Et je pèse mes mots ! Nous avons récemment déménagé et c’est en rangeant mes livres par ordre alphabétique dans ma nouvelle bibliothèque que je suis tombée sur Kundera : L’insoutenable légèreté de l’être. Tiens, tiens… Un livre dans ma bibliothèque que je n’ai jamais lu ? On me l’a offert ? On me l’a prêté ? Je l’ai acheté et je ne m’en souviens plus ? Mystère… Parfois, j’en viendrais presque à croire aux signes du ciel ! En tous cas, je l’ai tout de suite agrippé… Et ne m’en suis plus détachée !
L’insoutenable légèreté de l’être : Résumé
Plus que les autres romans de Kundera, celui-ci est un roman d’amour. Tereza est jalouse. Sa jalousie, domptée le jour, se réveille la nuit, déguisée en rêves qui sont en fait des poèmes sur la mort. Sur son long chemin, la jeune femme est accompagnée de son mari, Tomas, mi-don Juan, mi-Tristan, déchiré entre son amour pour elle et ses tentations libertines insurmontables.
Le destin de Sabina, une des maîtresses de Tomas, étend le tissu du roman au monde entier. Intelligente, asentimentale, elle quitte Franz, son grand amour genevois, et court après sa liberté, d’Europe en Amérique, pour ne trouver à la fin que « l’insoutenable légèreté de l’être ». En effet, quelle qualité – de la gravité ou de la légèreté – correspond le mieux à la condition humaine ? Et où s’arrête le sérieux pour céder la place au frivole, et réciproquement ?
Avec son art du paradoxe, Kundera pose ces questions à travers un texte composé à partir de quelques données simples mais qui s’enrichissent constamment de nouvelles nuances, dans un jeu de variations où s’unissent récit, rêve et réflexion, prose et poésie, histoire récente et ancienne. Jamais, peut-être, chez Kundera, la gravité et la désinvolture n’ont été unies comme dans ce texte. La mort elle- même a ici un visage double : celui d’une douce tristesse onirique et celui d’une cruelle farce noire. Car ce roman est aussi une méditation sur la mort : celle des individus mais, en outre, celle, possible, de notre vieille Europe.
L’insoutenable légèreté de l’être : Ce roman qui m’a bouleversée
Dès les premières pages du roman, je suis littéralement happée. Kundera commence par exposer la théorie de l’éternel retour de Nietzsche qui pose le caractère cyclique de l’univers et de ses événements. « Il n’existe aucun moyen de vérifier quelle décision est la bonne car il n’existe aucune comparaison. Tout est vécu tout de suite pour la première fois et sans comparaison. (…) Une fois ne compte pas, une fois c’est jamais. Ne pouvoir vivre qu’une vie, c’est comme ne pas vivre du tout« .
Ainsi, dès le tout début du roman, on commence déjà à réfléchir sur la vie, sur notre vie.
Ce roman n’est pas un « simple » livre d’amour. C’est un roman philosophique, qui pose des questions. C’est un roman Historique qui se déroule sur fond du printemps de Prague. Kundera rapproche d’ailleurs tout au long du roman le communisme du nazisme en ce sens que les deux idéologies partagent le refus de l’individualité.
Ce n’est donc pas un simple roman d’amour mais c’est le plus beau roman d’amour que j’ai lu de toute ma vie !
Le plus beau roman d’amour
Jamais un roman d’amour ne m’a paru si vrai, si réel. Jamais des personnages ne m’avaient semblé si justes. Pour la première fois de ma vie, j’ai la sensation d’avoir face à moi un auteur qui a tout compris des relations humaines. Ce n’est évidemment pas le cas mais les questions qu’il pose, les nuances qu’il apporte à chaque affirmation, les caractères des personnages, les rêves de Tereza… Tout, tout est d’une incroyable justesse !
Nous avons d’un côté un Don Juan, Tomas, qui veut posséder toutes les femmes pour découvrir leur essence, leur unicité, mais qui n’en aime qu’une seule : Tereza. Et qui souffre, réellement, de faire du mal à la seule qu’il aime, sans pour autant s’empêcher d’aller voir ailleurs.
Ce roman nous prouve que l’amour n’est pas que bonheur. Qu’aimer, c’est aussi potentiellement faire souffrir la personne qu’on aime, ou souffrir à cause d’une personne qu’on aime.
On a également Tereza, éternelle dépendante affective qui va jusqu’à rêver que Tomas se transforme en lièvre qu’elle possède enfin.
Et puis nous avons Sabina, libertine, maîtresse de sa vie.
Mais est-ce que l’un des trois est réellement heureux ? Ce que l’on peut affirmer, c’est qu’ils sont tous contraints à la fois à la pesanteur et à la légèreté de l’être.
Quelques extraits de L’insoutenable légèreté de l’être
Je vous avoue que j’ai corné énormément de pages, j’aurais aimé vous mettre tous les extraits qui m’ont touchée mais il y en a beaucoup trop. Alors je vais essayer de faire une sélection.
–Il n’est rien de plus lourd que la compassion. Même notre propre douleur n’est pas aussi lourde que la douleur coressentie avec un autre, pour un autre, à la place d’un autre, multipliée par l’imagination, prolongée dans des centaines d’échos.
-Elle avait une terrible envie de lui dire comme la plus banale des femmes : ne me lâche pas, garde-moi auprès de toi, asservis-moi, sois fort ! Mais c’étaient des mots qu’elle ne pouvait et ne savait prononcer.
-Ceux qui pensent que les régimes politiques d’Europe centrale sont exclusivement la création de criminels laissent dans l’ombre une vérité fondamentale : les régimes criminels n’ont pas été façonnés par des criminels, mais par des enthousiastes convaincus d’avoir découvert l’unique voie du paradis.
-Les hommes qui poursuivent une multitude de femmes peuvent aisément se répartir en deux catégories. Les uns cherchent chez toutes les femmes leur propre rêve, leur idée subjective de la femme. Les autres sont mus par le désir de s’emparer de l’infinie diversité du monde féminin objectif.
-On ne pourra jamais déterminer avec certitude dans quelle mesure nos relations avec autrui sont le résultat de nos sentiments, de notre amour ou non-amour, de notre bienveillance ou haine, et dans quelle mesure elles sont d’avance conditionnées par les rapports de force entre individus. La vraie bonté de l’homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu’à l’égard de ceux qui ne représentent aucune force. Le véritable test moral de l’humanité (le plus radical, qui se situe à un niveau si profond qu’il échappe à notre regard), ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. Et c’est ici que s’est produite la faillite fondamentale de l’homme, si fondamentale que toutes les autres en découlent.
-Il lui semble plutôt que le couple humain est créé de telle sorte que l’amour de l’homme et de la femme est a priori d’une nature inférieure à ce que peut être (tout au moins dans la meilleure de ses variantes) l’amour entre l’homme et le chien, cette bizarrerie de l’histoire de l’homme, que le Créateur, vraisemblablement n’avait pas planifiée. C’est un amour désintéressé : Tereza ne veut rien de Karénine. Elle n’exige même pas d’amour. Elle ne s’est jamais posé les questions qui tourmentent les couples : est-ce qu’il m’aime ? a-t-il aimé quelqu’un plus que moi ? M’aime-t-il plus que moi je l’aime ? Toutes ces questions qui interrogent l’amour, le jaugent, le scrutent, l’examinent, est-ce qu’elles ne risquent pas de le détruire dans l’oeuf ? Si nous sommes incapables d’aimer, c’est peut-être parce que nous désirons être aimés, c’est-à-dire que nous voulons quelque chose de l’autre (l’amour), au lieu de venir à lui sans revendications et de ne vouloir que sa simple présence.
-Mentalement, elle lui reprochait toujours de ne pas l’aimer assez. Elle considérait que son amour à elle était au-dessus de tout reproche, mais que son amour à lui était une simple condescendance.