Maman solo et l’argent : une source d’angoisse récurrente
Par Audrey
J’ai peur, une sorte de boule au ventre encore une fois. Mon fils dort bien au chaud dans son lit alors j’en profite pour faire mes comptes comme on dit, car il faut bien affronter la réalité. Et cette réalité-là, des chiffres qui s’affichent sur mon relevé bancaire, je ne l’aime pas. C’est la valse des débits à n’en plus finir, la catastrophe.
Je le savais, ce n’est pas nouveau, c’est ainsi tous les mois, dès les premiers jours parfois. C’est de pire en pire à chaque connexion sur l’application de ma banque, à chaque tentative pour renflouer mon compte, à chaque pseudo virement pour éviter un découvert comme on colmate une fuite, pour éviter des agios honteux sur un découvert autorisé. Tout ça parce qu’il est dépassé de deux jours ou de dix euros. Mais il arrive un moment où il n’y a plus de virement à effectuer, plus un seul euro vaillant à mettre sur son compte courant. Comment faire pour assumer la suite ? C’est difficile pour tout le monde, ou presque, c’est une réalité.
Mais depuis que je suis maman solo, c’est devenu une source d’angoisse récurrente, dont je ne vois pas l’issue.
Une double culpabilité
Je culpabilise d’abord et surtout de ne pas offrir à mon fils des moments de légèreté, d’amusement, comme je le souhaiterais, un cinéma et la piscine toutes les semaines, un weekend à la mer ou chez Mickey, des vacances, sans avoir à tout compter.
Et, a contrario, je culpabilise également à chaque dépense non essentielle, chaque achat, chaque sortie, chaque écart pour nous rendre la vie plus douce, plus légère, plus joyeuse. Pour me permettre de souffler et de penser, l’espace de quelques instants, à autre chose et oublier les conséquences que cela engendrera.
L’équilibre est précaire entre ces deux sources d’angoisses. Je n’en peux plus de vivre ainsi, sans visibilité, sans faire de projets, sans pouvoir être sereine. A toujours devoir compter, et voir s’aligner des moins. Des débits encore et toujours ; le loyer, les charges, les assurances voiture, santé… Il ne reste rien ou pas grand-chose pour les loisirs, les sorties, les vacances, les imprévus, mais aussi pour faire face aux mauvaises surprises.
Maman solo ne veut pas dire être une femme assistée
Alors oui, quand on est maman solo avec la garde de son enfant, on a la plupart du temps une pension alimentaire. Je ne le nie pas et ne vais pas débattre sur les montants alloués. A l’amiable, par un juge aux affaires familiales, peu importe. Cela peut tellement varier. Et je préférerais ne pas en avoir besoin. Mais la réalité est là. Aujourd’hui un salaire petit ou moyen et une pension donnée pour une garde plus ou moins classique ne suffisent pas à élever seule un enfant et à assumer tous les frais du quotidien. C’est un fait. Certains pensent que le statut de parent solo ayant la garde de son/ses enfant(s) ouvre la porte à des aides, des allocations, une assistance financière conséquente. C’est faux. Alors oui, la CAF « offre » une variété d’aides ; au logement, les allocations familiales, l’aide allouée jusqu’aux trois ans de l’enfant, la prime d’activité parfois.
Mais quand vous avez un seul enfant, qu’il a dépassé les trois ans et que vous travaillez par exemple, vous pouvez rayer toutes ces aides ou presque. Et puis, être maman solo, pour ma part, ne signifie pas être assistée. Je me souviens qu’à ma séparation, une assistante sociale de la CAF avait pris contact avec moi suite à mon changement de situation familiale. Cela m’avait paru disproportionné, je ne me sentais pas concernée, je travaillais, je me débrouillais. Je n’avais pas saisi toute l’ampleur que peut prendre trop souvent la précarité du statut de maman solo gérant seule ou presque son ou ses enfants.
Une source d’inquiétude trop présente
Etre parent solo c’est difficile, à beaucoup de points de vue. Mais je n’aurais pas imaginé que l’aspect financier deviendrait une source d’inquiétude permanente.
Il faut réussir à relativiser, à faire la part des choses, à garder le moral et faire preuve d’inventivité. Etre maman solo c’est être confrontée à de multiples sources d’angoisses pour son enfant, son bien-être et son avenir, en priorité. C’est faire face seule, prendre en plein visage cette solitude qui rythme notre quotidien. Il n’y a plus l’appui et le soutien de l’autre parent, de l’ancien conjoint pour régler les problèmes, assumer, construire, se projeter. On est seule à encaisser, se débattre au milieu de tout cela pour trouver des solutions et ne pas perdre espoir.
« L’argent ne fait pas le bonheur » parait-il et « Plaie d’argent n’est pas mortelle », c’est vrai. Mais c’est une donnée qu’il faut avoir à l’esprit lorsqu’on se sépare. Et j’avoue que personnellement, je n’ai pas saisi la mesure de tout cela, je n’ai pas pris en considération la probabilité plus que concrète de futurs problèmes d’argent. Je me suis toujours débrouillée, assumée, alors j’ai cru que j’y arriverais aussi avec mon fils à charge, seule. Mais je me suis trompée. Les fins de mois parfois difficiles, ce n’est rien à côté d’un quotidien dans lequel il faut malheureusement tout compter, tout prévoir et où les insomnies s’invitent de plus en plus souvent.
Trouver des solutions pour sortir la tête de l’eau
On cherche des astuces, des solutions ponctuelles ou plus durables. Faire des brocantes, vendre des objets, vêtements, jouets qui ne nous servent plus via des groupes sur les réseaux sociaux ou sites spécialisés, faire des heures supplémentaires, des extras, travailler à domicile… On fait la chasse aux bonnes affaires, aux occasions, aux promotions, on cherche à tout prix à sortir du rouge. On se découvre une force, une énergie que l’on ne se soupçonnait pas. Celle de protéger et d’assumer coûte que coûte ses petits, comme une lionne.
Demander de l’aide, appeler au secours ? Il ne faut pas hésiter lorsqu’on a la chance de pouvoir compter sur la solidarité familiale et aussi sur ses amis, parfois sur d’autres parents solos pour s’entraider, garder les enfants à tour de rôle, se soutenir.
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Il faut bien se renseigner sur ses droits également et pas seulement ses devoirs. On paie pour tellement de choses, il n’y a pas de raison ! Je parlais de la CAF entre autres choses, mais il faut prendre le temps de bien connaître les droits relatifs à son statut familial, même si cela paraît souvent fastidieux et long. Les joies de la paperasse et des démarches administratives…
Cumuler deux emplois, beaucoup d’entres nous y pensent ou passent le cap. Alors en effet, encore faut-il pouvoir le faire, trouver le temps. Où trouver le temps d’une autre activité quand vous élevez seule votre enfant quasiment H24 et que vous courrez déjà du matin au soir pour gérer votre boulot, votre enfant et votre chez vous ?
Mais il ne faut rien lâcher, à chacune ses petit trucs et astuces, ses compléments de revenus. Je crois que les deux étapes qui font le plus peur sont celles-là, demander de l’aide et se lancer dans un projet personnel. Il faut croire en son potentiel, en sa force de caractère. Parce que la honte, la culpabilité, on connaît. Trop hélas, mais il ne faut pas s’y résigner. Et puis surtout même si c’est difficile, on a la fierté de se débrouiller seule, d’assumer nos enfants pleinement, d’en faire notre priorité. C’est angoissant, stressant, épuisant. Mais même si je suis dans le rouge sur mon compte en banque tous les mois, au moins je suis en paix avec ma conscience de maman, et ça, ça n’a pas de prix.
A vous toutes, mamans solos qui assumez seules vos enfants et aux papas aussi qui en ont la garde, ne lâchez rien ; et si vous avez des astuces pour mieux vivre, affronter le quotidien souvent financièrement difficile, pour s’autoriser des petits moments de lâcher prise, alors n’hésitez pas à en profiter et à les partager !