Nathalie est née sous X il y a 44 ans. Cette mère de famille a toujours su qu’elle était adoptée. À l’âge de 20 ans, elle a décidé d’entamer les démarches pour retrouver ses parents biologiques. Elle raconte son cheminement, les retrouvailles avec ses parents biologiques et l’après.
Depuis petite, Nathalie pensait à ses parents biologiques
J’ai été adoptée à l’âge de 6 mois. Je l’ai toujours su, cela n’a jamais été un secret. Mais c’était un tabou, dans la famille de mon père, cela demeurait un sujet délicat, presque inconcevable. Ils l’ont accepté par la force des choses, mais entre ma cousine et moi, il persistait toujours des distinctions marquées. Elle semblait toujours avoir un avantage sur moi, les moindres bêtises semblaient m’être attribuées, sans justification.
J’ai toujours eu un mode de pensée différente et des avis allant à l’encontre de ma famille adoptive. Lorsqu’ils ne parvenaient pas à saisir mes comportements, j’entendais souvent répéter que de toute façon, « on ne sait pas d’où elle vient ».
Quand j’étais enfant, je pensais souvent à mes parents biologiques. D’une part, parce que mes parents adoptifs n’ont pu combler les attentes que j’avais placées en eux. D’autre part, parce que la quête de mes origines était un besoin impérieux, un désir de comprendre pourquoi j’avais été laissée si jeune.
Je me demandais souvent si ma mère biologique était plus gentille que cette mère adoptive. J’ai décidé d’entamer les démarches pour retrouver mes origines à l’âge de 20 ans. Je suis allée à la DDASS d’Annecy, d’où je viens.
Là-bas, une dame m’a accueillie et a pris le temps de m’expliquer les risques psychologiques auxquels je m’exposais en ouvrant mon dossier, les possibles déceptions que je pourrais rencontrer, et ainsi de suite. Elle a ouvert le dossier et, à l’envers, je n’ai pu discerner qu’une seule information : l’âge de ma mère lorsqu’elle m’a donné naissance, quatorze ans ! À cet instant, tout s’est subitement éclairé en moi.
Je n’étais ni issu d’un vi*l ou d’un inc*ste. Je venais simplement d’une jeune fille. Je ne pouvais pas lui en vouloir.
La recherche
Sur mon dossier, il était inscrit son prénom, son âge, sa ville de résidence, le fait qu’elle avait un petit frère de 7 ans. J’ai alors appris que mon père avait 17 ans lorsqu’elle est tombée enceinte. C’était un amour de vacances qui avait occasionné ma naissance. Finalement, c’était une belle histoire ! Je quittai les lieux, scrutant chaque femme qui arborait environ quatorze années de plus que moi, me demandant si, par le plus grand des hasards, l’une d’entre elles ne pourrait pas être ma mère…
Le lendemain, je me suis rendue aux archives des journaux. J’ai demandé à consulter l’année 1965 et j’ai scruté toutes les naissances de cette année-là portant ce prénom. Trois noms ont retenu mon attention, mais l’un d’entre eux m’a immédiatement sauté aux yeux, comme si un sixième sens me guidait !
Je suis retournée à la maison, j’ai pris l’annuaire et j’ai composé le numéro. Au bout du fil, un homme a répondu. Je lui ai prétexté que je recherchais d’anciens camarades de classe et lui ai demandé son âge. Il avait 27 ans, cela ne pouvait être que le petit frère mentionné dans mon dossier !
Il m’a confié que sa sœur venait juste d’accoucher et qu’elle me contacterait dès sa sortie de la maternité. Le soir même, elle m’a appelée, se prêtant volontiers au jeu des retrouvailles d’anciens camarades. J’ai alors posé des questions pour en apprendre davantage… J’ai compris directement que c’était elle mais je n’ai rien dit.
Le lendemain, je me suis dirigée vers l’adresse indiquée dans l’annuaire. Arrivée dans l’entrée de l’immeuble, j’ai choisi le nom de famille qui semblait le plus ancien, pour m’assurer qu’il s’agissait de quelqu’un qui habitait là depuis suffisamment longtemps pour me renseigner.
J’ai sonné chez une dame. Elle m’a ouvert et je lui ai demandé si elle connaissait telle personne. Elle m’a répondu par l’affirmative. Alors, j’ai osé lui demander si elle acceptait de me parler d’elle. Elle a accepté spontanément, et j’ai fini par lui expliquer la vraie raison de ma venue.
Elle m’a observée et m’a dit, avec un certain sourire, « Vu la tête que t’as, non, je sais qui tu es. » J’en suis restée bouche bée. Elle a ajouté, « Tu as de la chance, je suis la seule à qui son père se confiait, et je sais qu’elle a eu un enfant qu’elle a dû laisser. Tu es sa fille. »
Mon dieu, le sol semblait se dérober sous mes pieds. Je me suis mise à pleurer comme jamais. La dame m’a pris la main et m’a dit de ne pas pleurer, puis m’a encouragée à aller la voir.
Mais je lui ai dit, « Mais je ne sais pas où elle habite. » Alors, elle m’a emmenée à sa fenêtre et m’a dit de regarder en bas. « C’est là, » m’a-t-elle indiqué, « Vas-y et reviens me dire comment ça s’est passé. »
J’ai pris mon courage à deux mains, j’ai sonné, elle m’a ouvert la porte, et là, grande surprise : mon visage, mais sur une femme de 150 kilos.
Les retrouvailles
Je ne l’imaginais pas du tout ainsi. Je lui ai dit que je voulais lui parler, mais elle m’a répondu qu’elle ne voulait pas. J’ai insisté, expliquant que c’était important, mais elle a insisté pour remettre notre conversation à demain. J’ai refusé, expliquant que c’était urgent. Elle est sortie puis a refermé la porte derrière elle.
Elle m’a dit qu’elle venait juste d’accoucher, vingt ans après ma naissance, et que ma réapparition était une coïncidence troublante. Elle m’a expliqué qu’elle n’avait pas pu me garder et qu’elle était profondément désolée. Sa mère était présente et elle ne voulait pas remuer le passé. Elle m’a alors demandé de partir, mais elle m’a promis de me rappeler.
J’ai accepté, mais j’ai insisté pour connaître l’identité du père. Elle m’a donné son nom et m’a assuré qu’elle me recontacterait. Depuis ce jour-là, nous sommes restées en contact de manière régulière. Nous nous sommes vues quelques fois, mais je sais que c’est difficile pour elle. C’est son secret, seul son conjoint est au courant de mon existence.
Quant à mon père biologique, je l’ai appelé ce soir-là. Il m’a dit qu’il attendait ce moment depuis vingt ans. Il m’a fait rêver un instant, mais il s’est vite rendu compte qu’il ne pouvait rien m’apporter. Il a fait marche arrière, c’était comme un second abandon pour moi…
Il me contacte uniquement pour me souhaiter la bonne année et pour mon anniversaire. De son côté, sa femme et ses enfants sont au courant. J’échange beaucoup avec sa fille, et selon les périodes, avec ses fils. C’est mon sang, je les aime, c’est quelque chose qui ne s’explique pas.
J’ai eu une chance inouïe de pouvoir retrouver mes parents biologiques si facilement. Aujourd’hui, c’est mon lien, et je m’y accroche avec force. J’ai entrepris toutes ces démarches seule, accompagnée seulement par la mère de mon petit ami de l’époque. Mes parents adoptifs se sont sentis peu concernés. Ils ont posé quelques questions, mais c’est tout.
Depuis que j’ai retrouvé ma mère biologique, nous nous sommes régulièrement appelées, et avons maintenu le contact via Facebook. Il y a eu une période où nous nous voyions beaucoup. Je lui ressemble physiquement et nos façons de penser et d’être se ressemblent beaucoup. Je sais désormais d’où viennent mes différences.
Elle avait alors un compagnon à qui elle avait enfin révélé la vérité. Cet homme, ne l’a pas jugée, au contraire, il nous a aidées à nous rapprocher davantage. Un grand homme, que son âme repose en paix. Sa maladie l’a emporté, ce fut très dur pour elle.
Par la suite, elle a rencontré quelqu’un que je n’apprécie pas particulièrement, donc nous restons en contact, mais nous ne nous voyons pas physiquement. Chaque année, à mon anniversaire, elle m’adresse un très beau texte. Elle est toujours la première à me le souhaiter, à minuit, et ce, depuis vingt ans.
Ma mère biologique m’a confié qu’elle voulait me garder, mais il y a 44 ans, c’était inconcevable ! Son père l’a placée dans une maison pour jeunes filles. À l’époque, on les cachait… Quand je suis née, elle n’a qu’entendu mes pleurs. On m’a immédiatement enlevée et emmenée. Étrangement, je me souviens de cet arrachement. Je me rappelle aussi être passée de mains en mains. Plus tard, en appelant cette maison pour jeunes filles, j’ai appris que les bébés abandonnés ne restaient pas plus de deux semaines avec les mêmes infirmières, afin d’éviter tout attachement excessif d’un côté ou de l’autre. Je me souviens d’un grand lit bleu à barreaux, et j’étais là-dedans. Inversement, j’ai très peu de souvenirs de mon enfance et de mon adolescence.
Je n’ai jamais ressenti de rancune envers ma mère biologique. En revanche, elle porte encore une immense culpabilité. Je peux comprendre à quel point cela doit être difficile pour elle. Je sais qu’elle a une autre fille avec qui les relations sont très conflictuelles.
J’ai grandi toutefois avec une carence affective énorme, portant en moi la crainte persistante de l’abandon. Cette peur, je la porte encore aujourd’hui. Elle empoisonne mon existence, m’handicapant au quotidien. Par exemple, quand j’étais enfant, lorsque ma mère s’éloignait pour faire ses courses en paix, je me sentais rapidement perdue, harcelée par l’angoisse d’être abandonnée au milieu du supermarché.
Avec mon conjoint, nous ne vivons pas ensemble, mais chaque soir quand il part, je me dis qu’il pourrait ne jamais revenir. Mon fils vient de partir pour vivre sa vie, et bien j’ai peur qu’il ne m’aime plus, qu’il ne revienne jamais.
Ces retrouvailles avec mes parents biologiques étaient essentielles pour que je sache d’où je viens et pourquoi j’avais été laissée. J’avais plus que tout besoin de savoir pourquoi. Est ce que cela m’influence ? Non je ne crois pas. Ça me complète simplement.