Depuis que j’ai découvert Milan Kundera en lisant L’insoutenable légèreté de l’être, j’ai acheté tous ses romans et recueils de nouvelles. J’ai commencé par son premier : Risibles amours. Et, si souvent, quand je lis le premier roman d’un auteur que j’aime, je suis déçue par l’amateurisme de ses débuts. Ici, j’ai été très surprise de découvrir la naissance de ce génie.
Risibles amours : Résumé
« Suppose que tu rencontres un fou qui affirme qu’il est un poisson et que nous sommes tous des poissons. Vas-tu te disputer avec lui ? Vas-tu te déshabiller devant lui pour lui montrer que tu n’as pas de nageoires ? Vas-tu lui dire en face ce que tu penses ? » Son frère se taisait, et Edouard poursuivit : « Si tu ne lui disais que la vérité, que ce que tu penses vraiment de lui, ça voudrait dire que tu consens à avoir une discussion sérieuse avec un fou et que tu es toi-même fou. C’est exactement la même chose avec le monde qui nous entoure. Si tu t’obstinais à lui dire la vérité en face, ça voudrait dire que tu le prends au sérieux. Et prendre au sérieux quelque chose d’aussi peu sérieux, c’est perdre soi-même tout son sérieux. Moi, je dois mentir pour ne pas prendre au sérieux des fous et ne pas devenir moi-même fou. »
Le résumé que l’on trouve sur la quatrième de couverture est en fait un extrait de la dernière nouvelle « Edouard et Dieu ».
Mon avis sur Risibles amours de Kundera
Le premier recueil de nouvelles de Kundera relève du génie ! Le recueil se compose de sept nouvelles, traitant toutes des relations amoureuses. Le titre « Risibles amour » convient parfaitement au recueil qui dépeint les relations amoureuses avec un cynisme marqué.
On y voit aussi le point de vue de l’auteur, qui répète dans ce recueil autant que dans L’insoutenable légèreté de l’être que l’amour est finalement le résultat de hasards et de malentendus.
Dans chaque nouvelle, on voit le ridicule des relations humaines, le ridicule de l’être humain qui se retrouve soit pris à son propre piège, soit profondément obscur et cynique… Et malheureux.
Comme dans l’Insoutenable légèreté de l’être, en lisant ce recueil on se dit une fois de plus : Moi, qui pensais avoir compris beaucoup sur les relations humaines et amoureuses, elles sont si complexes que je ne suis pas prête d’en avoir fait le tour.
Les personnages
Beaucoup de jeunes hommes, cyniques, qui ne respectent pas beaucoup les femmes. Des vieux aussi, notamment un qui vit très mal sa jeunesse et dont le seul pouvoir de séduction réside finalement dans sa femme.
Chacun en prend pour son grade : jeunes, vieux, hommes, femmes, cyniques, naïfs, amoureux, collectionneurs…
Le sujet
Même si le principal sujet est l’amour et les relations amoureuses, Kundera soulève une multitude de questions à propos de nombreux sujets. On y traite de l’absurdité de la vie, de la société, d’un contexte politique, de mépris, d’impostures, de manipulation… C’est pourquoi, comme dans L’insoutenable légèreté de l’être, les nouvelles pourraient presque s’apparenter à des essais philosophiques.
Chaque nouvelle a son propre décor, ses propres personnages, sa propre intrigue. Mais toutes les nouvelles ensemble, articulées comme elles le sont, forment un ensemble complet et cohérent que l’on prend un réel plaisir à dévorer.
En conclusion, j’ai hâte de lire le prochain !
Quelques extraits de risibles amours
Si l’on était responsable que des choses dont on a conscience, les imbéciles seraient d’avance absous de toute faute. [. .. ] l’homme est tenu de savoir. L’homme est responsable de son ignorance. L’ignorance est une faute…
Don Juan était un conquérant. Et avec des majuscules, même. Un Grand Conquérant. Mais, je vous le demande, comment voulez-vous être un conquérant dans un territoire où personne ne vous résiste, où tout est possible et où tout est permis ? L’ère des Don Juan est révolue. L’actuel descendant de Don Juan ne conquiert plus, il ne fait que collectionner.
La femme laide espère profiter de l’éclat de son amie plus jolie, et celle-ci espère briller d’un plus grand éclat sur le fond de la laideur; il en résulte pour nous que notre amitié est soumise à d’incessantes épreuves. […]
Je crois qu’un homme et une femme s’aiment davantage quand ils ne vivent pas ensemble et quand ils ne savent l’un de l’autre qu’une seule chose, qu’ils existent, et quand ils sont reconnaissants l’un envers l’autre parce qu’ils existent et parce qu’ils savent qu’ils existent. Et ça leur suffit pour être heureux.
Au terme du véritable amour, il y a la mort, et seul l’amour au terme duquel il y a la mort est l’amour.