Dans les couples on parle souvent de la maternité, du désir d’être maman, de la grossesse et du lien mère-enfant. On évoque de plus en plus le rôle du père mais on parle beaucoup moins souvent de l’envie de paternité d’un homme. Avoir un enfant, c’est l’envie de beaucoup de couples qui s’aiment et vivent ensemble. C’est l’étape de la vie de couple à la vie de famille. Il n’y a rien de plus naturel pour une femme puisqu’elle porte l’enfant dans son ventre mais un homme, lui, vit la grossesse de sa femme par procuration. Hélas, parfois, les choses ne se passent pas comme prévues et ce projet de famille devient une longue et douloureuse épreuve. Certains couples n’ont en effet pas la chance de vivre une grossesse et l’arrivée d’un enfant de façon naturelle et sereine. Pour certains couples, faire un enfant est un véritable parcours du combattant. Voici un témoignage rare et bouleversant d’un homme à ce sujet : je ne serai peut-être jamais père.
Témoignage d’un homme : je ne serai peut-être jamais père
« Ma femme et moi sommes ensemble depuis plus de dix ans. Nous avons connu la magie de la rencontre et les étapes inhérentes à beaucoup de couples : vivre ensemble, se marier, acheter un appartement. Nous sommes donc devenus un couple dans tout ce qu’il y a de plus basique et de plus beau à la fois.
Alors dans la logique des choses, ce qui manquait à notre bonheur, c’était de fonder notre famille. Cette question est venue nous titiller au bout de quelques années. C’est quelque chose que nous voulions tous les deux depuis le début donc il n’y a jamais eu de conflit à ce sujet.
Comme beaucoup de couples, on s’est prêtés au jeu du « et si on faisait un bébé ? »
Sans se douter un seul instant que cela allait devenir une des épreuves les plus difficiles qu’on aurait à vivre. Sans imaginer un seul instant que notre couple allait devoir surmonter de longues années éprouvantes.
On a connu, comme on peut s’y attendre, la déception des premiers mois avec l’arrivée des règles de ma femme et les tests de grossesse négatifs. Ma femme était suivie par son gynécologue depuis des années, on avait a priori aucune raison de s’inquiéter. Il nous a dit qu’il fallait parfois de la patience pour « ces choses-là ».
Alors c’est ce qu’on a fait, on a été patients mais une année est passée et toujours rien.
A partir de là, on est entrés dans une spirale infernale dans laquelle le corps de ma femme est devenu un laboratoire ambulant. Une machine avec laquelle il fallait absolument faire un bébé. On a tous les deux fait des examens, passé des tests et le diagnostic est tombé tel un couperet. Des deux côtés, il y avait une forme de stérilité qui nous empêchait d’avoir un enfant de façon naturelle. Nous sommes donc entrés dans la logique de la PMA (procréation médicalement assistée).
Il fallait essayer de donner un coup de pouce à Dame Nature puisque de nos ébats amoureux aucune petite graine ne voulait pousser naturellement pour devenir notre enfant.
Piqûres, traitements… Tout pour faire un bébé
Ma femme a subi les aléas des piqûres, des traitements hormonaux pour faciliter son ovulation et nous permettre d’avoir un bébé. De mon côté, j’ai aussi connu aussi cette expérience quasi surnaturelle de donner ma semence pour en extraire le meilleur afin d’arriver à faire un bébé à ma femme.
On a fait tout ce qu’il fallait mais ça n’a pas fonctionné. Ma femme a subi plusieurs fausses-couches au cours des années suivantes. Après un énième essai, l’échec de trop, elle a dit stop. Son corps n’en pouvait plus et son état psychologique était fortement fragilisé.
Elle n’a plus voulu essayer. Qui étais-je, moi, pour l’obliger à continuer ?
Je comprenais son désarroi et son épuisement, je ne pouvais qu’être d’accord avec elle. Mais au moment où on prenait cette décision, celle de ne plus tenter de se faire aider pour avoir un enfant, je savais que je renonçais ainsi à la possibilité d’être père un jour.
Je n’en veux pas à ma femme. S’il y a une responsabilité à porter, je crois que dans ce cas-là on ne peut viser personne. On en veut à la Terre entière, on évoque la malchance, le destin, et plus cruellement la vie.
On essaie de ne pas devenir aigri et envieux face à ses amis en couple qui ont des enfants, aux ventres des femmes qui s’arrondissent et aux bébés qui grandissent.
C’est une épreuve douloureuse, c’est comme faire un deuil alors qu’on n’a perdu personne mais on doit dire adieu à quelqu’un qu’on n’a pas pu rencontrer.
Après quelques mois, une fois ma femme un peu remise, son corps reposé, son esprit un peu plus allégé, elle m’a demandé si j’étais d’accord pour tenter l’aventure de l’adoption. On devait faire une croix sur notre envie d’être parent de façon naturelle sauf si un jour la nature en décidait autrement. Mais il nous restait cette possibilité de devenir les parents d’un enfant qui n’en avait plus, orphelin, ou qui avait été abandonné.
Au fond de moi je ne vais pas vous mentir, ce n’est pas pareil et je me sentirai toujours un peu amputé d’une partie de moi-même et orphelin de mon vrai rôle de père.
Mais cette chance d’être quand même peut-être papa, je ne voulais pas la laisser passer ni la refuser à ma femme qui a ce rêve d’être maman depuis si longtemps. Alors on a à nouveau entrepris des démarches, administratives cette fois. Psychologiques et médicales aussi puisqu’on passe des tests et des entretiens, qu’on doit fournir des preuves de notre bonne hygiène de vie et de santé mais aussi de notre situation matérielle et de couple.
La force de notre couple, notre équilibre de vie comme éléments prouvant qu’on est dignes d’accueillir un enfant et d’être des parents.
C’est une étape compliquée car on se sent forcément jugés, et notre envie d’être parents est soumise au bon-vouloir d’inconnus qui ont notre destin en mains. La nature nous a privés de notre libre-arbitre donné à la plupart des êtres humains de pouvoir avoir un enfant. Et en plus de cela, il nous fallait attendre la décision portant sur notre aptitude à être de potentiels futurs bons parents.
Ce véritable parcours du combattant prend des mois et des mois.
Aujourd’hui, nous avons eu notre agrément, ce qui veut dire que nous sommes des parents en devenir. Seulement l’attente est encore là, elle continue à conditionner nos vies. Et cela peut durer des années.
On doit faire avec, on sait qu’un jour on recevra ce fameux appel qui nous dira qu’un enfant nous attend quelque part. Seulement on ne sait pas quand. Et en attendant, j’ai toujours cette petite phrase qui résonne dans ma tête et me dit que je ne serai peut-être jamais père.
Je ne perds pas l’espoir de devenir ce papa adoptif et j’espère de tout cœur que j’en serai digne. Mais je ne peux empêcher le papa que je voulais être de pleurer ce bébé, cette partie de moi qui n’existera jamais. »