En France, l’opération de vasectomie connaît de plus en plus de succès, avec près de 23 000 interventions par an en 2021, selon l’assurance maladie, soit près de dix fois plus qu’il y a dix ans ! Après une longue réflexion, Jules a décidé de faire une vasectomie à 43 ans : il nous explique son choix.
Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre la décision de faire une vasectomie ?
L’idée m’est venue de manière assez naturelle, peu avant mes 40 ans, suite à mon divorce.
Dans ma tête, même avant de me marier, j’imaginais avoir 2-3 enfants mais les aléas de la vie ont fait que j’ai eu un enfant que j’aime plus que tout. J’ai vécu une rupture difficile, une ex-femme qui m’a épuisé, fait du chantage affectif avec notre enfant, et j’en passe.
Je ne me voyais donc plus attendre de refaire ma vie, établir une relation de confiance et refaire des enfants alors que je commençais seulement à revivre. Mes premières relations après ma rupture trouvaient l’idée de la vasectomie saugrenue lorsque le sujet était évoqué. L’une a même essayé de me dissuader de le faire au risque de le regretter !
Sans rentrer dans un débat patriarcat, féministe ou bien même rétrograde. La contraception a toujours été confiée aux femmes et excepté une méthode marginale de sous-vêtements masculin, il n’existe pas de contraception masculine temporaire. Bien sûr il existe le préservatif, mais dans une relation établie et stable, il est difficile de dire à sa chérie, tiens si on remettait des préservatifs sans laisser planer une suspicion de me trompe-t’il ? Et dans le feu de l’action, il est si vite arrivé de faire des galipettes sans préservatif.
Un évènement a t-il provoqué un déclic ?
Oui, un événement a tout de même précipité les choses. Un beau jour mon amie m’annonce être enceinte. J’étais sous le choc et tétanisé, pourquoi maintenant ? Pourquoi moi ? Je n’ai pas envie de redevenir père. S’en suivent nuits blanches, angoisses et une tonne de questions au point d’en arriver à me dire vais-je assumer cette situation imprévue et non désirée ou m’enfuir ?
Coup du destin, ou stress de la vie de ma partenaire, peu de jours après elle m’appelle en panique car elle perd du sang. Il s’agissait bien d’une fausse couche. Pour elle c’était un choc, c’était sa première grossesse à 40 ans. Mais pour moi c’était un énorme soulagement et un poids incommensurable qui s’évacue de mes épaules. La décision était maintenant prise, ferme et irrévocable. Pour moi il fallait absolument coûte que coûte éviter que cette situation ne se reproduise. Que ce soit avec elle ou une future conquête (si cette épreuve devait nous séparer).
Je suis donc reparti à la recherche de renseignements sur la vasectomie et j’ai cherché à accélérer les choses !
Comment avez-vous vécu l’expérience de la vasectomie ? Était-ce douloureux ou gênant ?
La vasectomie a été une épreuve mentale tout d’abord. C’est un sujet plutôt tabou en France, même s’il y a quelques articles de ci de là qui en parlent. On se base plutôt sur des statistiques pour dire que c’est assez normalisé dans la culture anglo-saxonne.
La procédure française démarre par un rendez-vous avec son généraliste pour lui expliquer sa démarche. Il peut d’ailleurs éventuellement poser son véto. Puis il va rédiger une lettre de recommandation à un confrère urologue, en général il sait à qui recommander, car tous ne sont pas pour. J’ai ensuite voulu prendre rendez-vous avec le cabinet d’un urologue officiant dans un hôpital local. La secrétaire médicale m’a de suite expliqué la démarche qui consiste à rencontrer le praticien, à étayer et argumenter son cas (il vaut mieux avoir 45-50 ans et déjà 2-3 enfants pour que la demande soit recevable). Si l’urologue accepte le cas, il faudra ensuite consulter un psychiatre qui devra lui aussi faire une lettre d’accord.
Une fois ces étapes validées, on part pour une période de réflexion de 6 mois. Et seulement après cette date on doit passer par la banque du sperme, afin de faire un dépôt de paillettes, au cas où on changerait d’avis, qu’il reste de quoi faire quelques FIV. Et là enfin l’urologue proposera une date afin de procéder à l’opération en ambulatoire. Car même si l’opération est considérée comme réversible, ce n’est ni facile ni garanti que la source refonctionne « comme avant » !
En bref, une démarche longue, pénible. J’ai eu l’impression qu’à chaque étape on essayait de me dissuader de faire ce geste. Mais pourquoi donc ne pas demander à sa partenaire de prendre la pilule ou de mettre des préservatifs me demandaient-ils ?
Ou avez-vous fait votre vasectomie ? Comment l’opération s’est passée ?
Agacé par la procédure française plutôt dissuasive et vivant en région frontalière, j’ai donc consulté un hôpital suisse. J’ai très vite eu un rendez-vous avec un urologue, la discussion était cordiale et en l’espace de 30 minutes on avait clos le débat et fait une échographie de mes bourses (pour vérifier qu’il n’y avait pas d’obstacles physiologiques à une opération).
La proposition est ensuite d’une simplicité déconcertante. Soit on rentre chez soi pour y réfléchir, soit on peut passer à la caisse pour valider une date d’opération. J’ai donc payé 800€ pour la totale (anesthésie, chirurgie, soins, anti-douleurs) et j’ai reçu une date 3 semaines plus tard. L’opération aurait coûté plus ou moins la même chose en France mais avec environ 70€ de prise en charge sécurité sociale.
Je suis donc passé sur le billard à 43 ans. C’était une opération en ambulatoire sous anesthésie locale qui a duré seulement 1h15-1h30. Malgré le champ médical qui empêche de voir ce qui se passe on reste bien crispé sur la table d’opération. Mon dos devait être dur comme une planche de bois ! On sent des choses, on entend des bruits, et la phase de pose des 2 points de suture n’est pas agréable.
Quand l’opération est terminée on a une gaze de chaque côté et l’obligation de porter des sous-vêtements serrés pour quelques jours. On ne doit également pas se doucher pendant 48h et surtout ne pas aller dans son bain, ni piscine pour un mois. Les fils se résorbent tout seul, même s’il faut un peu les aider et sous 5-7 jours on peut reprendre une activité s.e.x.u.e.l.l.e. Tout était si simple, sans tracas ni longues discussions, j’ai beaucoup apprécié l’approche suisse où on respecte le choix du patient. Jusqu’au choix ou non de congeler des paillettes, acte que je n’ai pas effectué.
Avez-vous eu des conversations avec votre partenaire ou votre famille concernant votre décision de faire une vasectomie ? Comment ont-ils réagi ?
J’ai pris cette décision en solo en mon âme et conscience. J’en ai parlé avec 2 amies très proches, elles ont soutenu mon choix et étaient fières de voir un homme qui assume la contraception.
C’est un geste que je n’ai pas communiqué et caché à ma partenaire suite à son épreuve. Je ne saurais jamais si elle aurait approuvé ou pas, mais vu mon état de panique et de stress à l’annonce de la grossesse je me sens aujourd’hui sécurisé et libéré.
Quels conseils donneriez-vous à d’autres hommes qui envisagent une vasectomie ?
Si vous y tenez, foncez ! N’hésitez pas à changer d’urologue si le premier consulté essaye de vous dissuader. Et le cas échéant avec l’Europe un TGV, un vol low-cost est rapidement réalisé pour faire cette opération dans un pays voisin aux mœurs nettement plus ouverts.
Le passage chez le psychiatre n’est pas une obligation, il s’agit plutôt d’un souhait de l’urologue pour se couvrir. Surfez sur le web, il existe des groupes de parole, des forums de discussion avec des échanges de noms de praticiens qui ont l’esprit ouvert et qui ne sont pas obtus.
Si vous êtes en couple et qu’il s’agit de votre projet commun, allez-y à deux pour bien appuyer le fait que c’est un choix réfléchi, mûrit et décidé à deux !
Y a-t-il des idées fausses ou des préjugés que vous aimeriez dissiper ?
Messieurs, la contraception n’est pas qu’une affaire de femmes. Ce temps est révolu. Alors prenez-vous en main et faites le pas si pour vous l’idée de (re)devenir papa n’est pas ou plus une option !